Le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l'Ouest, après deux coups de force au Mali voisin. Cela inquiète la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui craint un effet de contagion dans une région déjà très instable. Le chef de la junte en Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, a prêté serment hier comme président de ce pays d'Afrique de l'Ouest pour une période de transition dont la durée et le contenu sont toujours inconnus. Le commandant des forces spéciales qui ont renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, en uniforme d'apparat beige, portant béret rouge et lunettes noires, a prêté serment devant la Cour suprême, peu après 12h30 (heure locale et GMT), lors d'une cérémonie au palais Mohammed-V de Conakry. Il a juré "de préserver en toute loyauté la souveraineté nationale, de consolider les acquis démocratiques, de garantir l'indépendance de la patrie et l'intégrité du territoire national". La cérémonie se tenait à la veille de la Fête nationale célébrant la déclaration d'indépendance de 1958 vis-à-vis de la France. Hier a été déclaré journée fériée. Le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l'Ouest, après deux coups de force au Mali voisin. Lui et ses hommes l'ont mené à bien en quelques heures au prix d'un nombre indéterminé de pertes humaines, les médias faisant état d'une dizaine ou d'une vingtaine de morts. Alpha Condé, 83 ans, est toujours détenu au secret. Ce coup d'Etat s'inscrit dans l'histoire tourmentée de ce pays éprouvé, pauvre malgré de considérables richesses naturelles, dirigé pendant des décennies depuis l'indépendance par des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Il a été largement condamné par la communauté internationale mais salué par des scènes de liesse parmi une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression des dernières années. Les militaires disent être passés à l'action pour mettre fin à ces maux et rassembler des Guinéens divisés. La junte a dit avoir l'intention de rendre le pouvoir aux civils après des élections "libres et démocratiques" à la fin d'une période de transition. Elle entend élaborer une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum. Elle compte mener des réformes politiques et économiques "majeures", et restaurer la bonne gouvernance. Mais elle n'a jamais révélé combien de temps durerait cette transition, ni précisé ses plans. Cette durée sera fixée d'un "commun accord" entre la junte et les forces vives du pays, se contente d'indiquer la "charte" de la transition, sorte d'acte fondamental publié lundi. Le colonel Doumbouya, colosse aux manières posées, toujours protégé de près par ses hommes et jamais vu en public dans une tenue autre que son treillis et son béret, souvent assortis de lunettes noires et d'un cache-col, semble résolu à se laisser du temps, malgré les pressions internationales, pour accomplir son vaste projet de "refonder" l'Etat, conviennent les analystes. La Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), inquiète d'instabilité et d'un effet de contagion dans une région où un certain nombre d'Etats sont malmenés, a réclamé des élections présidentielle et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leur famille et de leur interdire de voyager.