Dans "Pouillon, une architecture habitée, Alger 1953-1957", Marie-Claire Rubinstein fait appel au témoignage d'un historien (Benjamin Stora), d'architectes, d'habitants des trois cités et d'anciens collaborateurs de Fernand Pouillon, dont la philosophie consistait à offrir aux classes moyennes et ouvrières la possibilité d'habiter dans un logement décent, certes petit, mais où "on aime vivre". Le Centre culturel algérien de Paris (CCA) a abrité jeudi dernier la projection d'un film documentaire de Marie Claire Rubinstein consacré au célèbre architecte français Fernand Pouillon qui a eu à travailler en Algérie dans les années cinquante et soixante. Organisé en collaboration avec l'Association France-Algérie représentée à la soirée culturelle par Flora Boumia, cet événement culturel a permis à l'assistance de découvrir l'architecte dont la philosophie consiste à offrir aux classes moyennes et ouvrières la possibilité d'habiter dans un logement décent, certes petit, mais où "on aime vivre". Ayant déjà conçu des cités dans le cadre de la reconstruction en France après la Seconde Guerre mondiale, Pouillon va rejoindre l'Algérie en 1953. "C'est parce que Fernand Pouillon est connu pour la rapidité et l'efficacité de son travail que l'idée vient au maire d'Alger Jacques Chevallier de recourir à lui." Leur communauté d'idées (ils étaient des libéraux) sert leur volonté de réaliser une mixité sociale (classes moyenne et ouvrière, Algériens-Européens) dans les ensembles d'habitations projetés. Pouillon avait en plus la capacité de construire sur presque n'importe quel terrain. Il se trouve qu'à Alger tout est collines et pentes. D'énormes efforts d'imagination et d'adaptation étaient nécessaires pour rendre constructibles les terrains devant recevoir les cités de Diar Essaada, Diar El-Mahçoul et Climat-de-France qui font l'objet du film de Marie-Claire Rubinstein dont l'idée lui est venue après la lecture du livre de Pouillon Mémoires d'un architecte. En 2003, "juste après la décennie noire", précise-t-elle, elle visite Diar Essaada et Diar El-Mahçoul : "C'était surpeuplé et mal entretenu, mais je découvrais une architecture magnifique." Dans son film, Marie-Claire Rubinstein fait appel au témoignage d'un historien (Benjamin Stora), d'architectes, d'habitants des trois cités et d'anciens collaborateurs de Fernand Pouillon. Tous décrivent un homme humaniste, engagé et efficace, ce que ne manquera pas de souligner l'architecte Amar Lounès dans son intervention au CCA. Ce film documentaire sur Pouillon a été présenté en Algérie dans les écoles d'architecture (EPAU, Université Alger, Tlemcen) et les Instituts français d'Algérie. "J'ai pu constater l'intérêt des élèves et des habitants en redécouvrant l'importance de cet héritage et la nécessité de l'intégrer à leur culture en complétant ce travail d'appropriation", conclut la réalisatrice, après avoir énuméré l'œuvre architecturale de Pouillon en France et en Algérie où il a eu juste le temps de réaliser les trois cités avant que le maire d'Alger Jacques Chevalier ne soit évincé en 1957 par les ultras de l'Algérie française. En 1961, Pouillon sera condamné en France à trois années de prison suite à des déboires financiers. "Il s'évade de sa clinique en septembre 1962 et reste en cavale pendant plusieurs mois (Suisse, Italie), aidé, grâce à ses sympathies avec le FLN durant la guerre d'Algérie, par le réseau Jeanson." Fernand Pouillon rejoint de nouveau l'Algérie en 1966 où il va travailler jusqu'en 1984, en réalisant essentiellement des projets hôteliers et touristiques, ainsi que des équipements publics. Né le 14 mai 1912 et mort le 24 juillet 1986, Fernand Pouillon a laissé quelques livres, dont Les Pierres sauvages (1964, éditions du Seuil) et Mémoires d'un architecte (1968, Seuil). En 1974, il crée à Paris sa maison d'édition. "Il s'entoure des meilleurs spécialistes, des meilleurs artisans d'art et réimprime à 200 ou 250 exemplaires les plus belles éditions de livres d'art et d'architecture du XVe au XXe siècle."