Un modeste Salon du livre organisé en marge d'un événement culturel à Ivry-sur Seine, dans la banlieue parisienne, a été l'occasion de rencontrer un écrivain d'origine algérienne. Sur la table, devant lui, ses ouvrages portent sur l'Histoire, la poésie et les thématiques sociétales de l'Algérie profonde. Bien que vivant depuis longtemps en France, Abdelaziz Boucherit, enraciné, aime se présenter comme "natif d'El-Milia, à Ouled Aïdoun de Kabail L'hadra, wilaya de Jijel, Algérie". Il garde un lien très fort avec son pays d'origine et sa ville d'El-Milia dont il tire l'essentiel de son inspiration. Les décors de ses ouvrages sont situés dans cette région à la profondeur historique avérée, qui a tenu tête aux colonnes du général Delacroix en 1871 et qui a abrité le commandement de la Wilaya II historique durant la guerre de Libération. C'est de cette dernière qu'il puise l'idée de son livre consacré à Didouche Mourad (éditions Maïa, 2018). "J'ai écrit ce livre pour essayer de retirer la poussière du siècle sur un homme authentique qui a allumé la mèche de la révolution en 1954 avec ses camarades du CRUA puis du FLN", affirme-t-il, avant de poursuivre : "Parti à la révolution très jeune, Didouche Mourad était de la stature d'Abane Ramdane, moderne, révolutionnaire, qui voulait faire une Algérie algérienne, prospère. Il est mort précocement le 18 janvier 1955, près de Constantine, à Condé Smendou, qui est aujourd'hui une commune qui porte son nom." Mais, se désole Abdelaziz Boucherit, "le parcours révolutionnaire de Didouche Mourad, le fin stratège, l'ange gardien et l'allumeur de la mèche de la révolution algérienne, avait injustement sombré dans l'oubli. Et pourtant il mérite de se faire connaître". L'auteur précise : "Jusqu'à aujourd'hui, aucune œuvre n'a été, spécifiquement, consacrée à l'engagement révolutionnaire et à la vie du jeune chef historique du Nord-Constantinois." Voilà qui est fait. À côté de Didouche Mourad, un autre livre, intitulé Fables et Contes berbères en poésie (Edilivre, 2020), traite "d'un premier lot de fables et contes berbères en poésie et de textes poétiques de chansons". On y lit que "beaucoup de générations gardent encore en mémoire, à travers ces contes, des images de rêves tumultueux qui avaient façonné et consolidé leur personnalité autour d'une culture millénaire". Inspirée de l'Algérie profonde, de ses coutumes et de ses tabous, l'histoire de Zahia, tirée de faits réels, est une saga en trois tomes d'Abdelaziz Boucherit (éditions Sidney Laurent-2021, tome 1 aux éditions Maïa-2019). Dans le premier tome, on découvre "l'histoire d'une jeune Berbère sortie de sa tribu de Kbail Lhadra, à Beni Ferguène. Orpheline de mère, son père la faisait travailler chez un colon à El-Milia. Elle est tombée amoureuse d'Edouard, petit-fils du colon, se retrouve enceinte et fugue vers Beni Haroun, où elle fera d'ailleurs une chute dans la montagne". D'après Boucherit, "dans le deuxième tome, Zahia veut trouver un mari, ce qui n'est pas facile dans son état. De plus elle était enceinte". Elle finit par épouser un vieux garçon naïf. Son aîné était en réalité le rejeton du petit-fils du colon d'El-Milia. Elle aura encore d'autres enfants avec son mari. Le troisième tome trouvera Zahia à Alger, grâce à un prêtre, frère d'Edouard, qui va l'aider. Ses enfants sont restés à Constantine. Sa fille deviendra une grande révolutionnaire et tombera sous un bombardement à Beni Meslem, l'un de ses fils sera professeur de médecine et sa fille gynécologue en France, où ils militeront à la Fédération de France. Edouard, le petit-fils du colon, exprimera ses regrets à la fin de sa vie. "À Alger, Zahia se marie avec un jeune très riche. Elle hérite de tout après sa mort tragique, elle finit sa vie en femme très aisée. Elle est morte et enterrée à Alger." Diplômé de l'Université de technologie de Compiègne, en France, Abdelaziz Boucherit a exercé comme ingénieur à Thales, groupe industriel français. Retraité, il vit depuis à Paris où il se consacre à la littérature.