Quatre mois après son arrestation, le secrétaire général du Mouvement démocratique et social (MDS), Fethi Ghares, va enfin être entendu sur le fond par le juge d'instruction près le tribunal de Bab El-Oued. Arrêté en juin dernier chez lui, Fethi Ghares, un des rares responsables de parti politique à être emprisonné, après Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT, est poursuivi pour de nombreux chefs d'inculpation que ses avocats balaient d'un revers de main. Arrêté le 30 juin dernier chez lui à Gué-de-Constantine et aussitôt placé sous mandat de dépôt, le coordinateur national du MDS est poursuivi, notamment, pour "atteinte à la personne du président de la République", "outrage à corps constitués", "diffusion au public de publications pouvant porter atteinte à l'intérêt national", "diffusion d'informations pouvant porter atteinte à l'unité nationale" et "diffusion d'informations pouvant porter atteinte à l'ordre public". Des accusations lourdes que la défense conteste considérant que l'homme politique est poursuivi pour ses opinions. Selon les avocats chargés de sa défense, Fethi Ghares est, en effet, poursuivi sur la base de faits liés à des déclarations publiques dans lesquelles, il a critiqué le chef de l'Etat et d'autres responsables du pays. Selon Mostefa Bouchachi, un de ses avocats, qui s'est exprimé samedi dernier lors d'une conférence de presse tenue au siège du MDS à Alger, Fethi Ghares se trouve en prison "uniquement pour ses opinions politiques" exprimées à travers les médias et les réseaux sociaux et que "toutes les accusations mentionnées dans le procès-verbal des officiers de la police judiciaire ont été maintenues par le procureur de la République". "Fethi Ghares est placé en détention provisoire depuis le 1er juillet dernier, alors qu'il n'a ni volé ni détourné de l'argent public. Il a seulement exprimé ses opinions politiques au moment où les Algériens militaient pour un changement pacifique", a encore appuyé l'avocat. Désigné comme coordinateur national du Mouvement démocratique et social après le décès de Hamid Ferhi en février 2019, Fethi Ghares fait partie de la jeune génération de dirigeants politiques. Très investi et engagé dans le Hirak, il est souvent monté au créneau pour s'en prendre aux dirigeants du pays en utilisant, parfois, un langage acerbe, sans concession. C'est ce style direct, qui tranche singulièrement avec le langage diplomatique et les précautions sémantiques de certains opposants, qui a probablement attiré sur lui les foudres des autorités. Outre son discours critique, le coordinateur du MDS a fait du siège de son parti un véritable temple où se réunissaient toutes les oppositions et les "sans-voix". Des comités de soutien aux détenus d'opinion, aux syndicats autonomes en passant par des personnalités de tous bords, privés d'espaces où s'exprimer, tous ont trouvé dans ce siège du parti, situé au boulevard Krim-Belkacem, leur dernier refuge pour accomplir leur activité. Un engagement qui a valu au MDS des harcèlements en tous genres, à commencer par des tracasseries administratives, entraves à la collecte des signatures ou encore des poursuites judiciaires ciblant ses militants. Intervenue dans la foulée de la traque de nombreux activistes, l'arrestation de Fethi Ghares a provoqué une onde de choc au sein de la classe politique. Le Pacte pour l'alternative démocratique (PAD), dans lequel le coordonnateur secrétaire était très investi, le RCD, en passant par le Parti des travailleurs et le FFS, tous les partis politiques de la mouvance démocratique ont dénoncé cette arrestation, perçue comme une atteinte aux libertés fondamentales et une "criminalisation de l'action politique". "Par l'arrestation spectacle de Fethi Ghares, premier responsable du MDS — un parti politique agréé —, le pouvoir persiste et déclare que les acteurs politiques de l'opposition sont désormais considérés comme des criminels. Cette énième arrestation doit de nouveau nous interpeller. Allons-nous nous habituer à cet état de fait et nous résigner ? Depuis des mois que le pays est en panne dans tous les secteurs de la vie, seuls les tribunaux fonctionnent à plein régime en exécutant la politique de l'épée de Damoclès du pouvoir de fait", avait estimé le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas.