C'est le deuxième voyage qu'un membre du gouvernement espagnol effectue à Alger en l'espace d'un mois pour tenter de "convaincre" de la possibilité de surseoir à la décision du non-renouvellement du contrat d'exploitation du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui alimente l'Espagne via le Maroc... Ultime tentative. À quatre jours de l'expiration du contrat d'exploitation du Gazoduc Maghreb-Europe, le gouvernement espagnol a dépêché, hier à Alger, sa ministre de la Transition écologique, Teresa Rebera, pour tenter de "convaincre" le gouvernement algérien de surseoir à sa décision de ne pas renouveler le contrat en question. Mission difficile. Pas si évident de voir Alger revenir sur une décision de portée stratégique prise dans un contexte marqué par une hostilité marocaine. Cette visite-surprise de la ministre espagnole qui intervient seulement quelques jours après celle du ministre des Affaires étrangères, au début du mois, traduit l'inquiétude grandissante de Madrid. Les Espagnols appréhendent la fermeture définitive du GME et que le gazoduc Medgaz ne puisse fournir la même quantité de gaz que celle d'avant la fermeture du gazoduc qui passe par le Maroc. "Le vice-président qui, selon l'Exécutif espagnol, sera reçu par des membres du gouvernement algérien, sans en préciser le rang, tentera de faire en sorte que notre pays reçoive la même quantité de gaz que celle d'avant la fermeture du gazoduc qui traverse le Maroc et avec qui l'Algérie a rompu ses relations", a rapporté la presse espagnole. Il faut dire qu'à plusieurs reprises, le gouvernement algérien, par le biais du ministre de l'Energie, Mohamed Arkab, a réaffirmé ses garanties pour approvisionner la péninsule ibérique en quantité nécessaire. À ce propos, l'expert international en énergie, Francis Perrin, a aussi assuré que "Sonatrach a les capacités de fournir des volumes de gaz supplémentaires à l'Espagne". En effet, et à la lumière des déclarations faites par la vice-présidente espagnole et le ministre algérien de l'Energie, Mohamed Arkab, le dossier n'a pas connu une grande avancée et la partie algérienne semble camper sur ses positions initiales en réitérant son seul engagement à assurer un approvisionnement régulier de l'Espagne en gaz algérien. "Le ministre a tenu à rappeler les efforts engagés par notre pays, afin de garantir la sécurité des approvisionnements en gaz du marché espagnol à travers les importants investissements consentis pour l'acheminer dans les meilleures conditions. Dans ce cadre, il a mis en exergue le projet d'extension de la capacité du gazoduc Medgaz, reliant directement l'Algérie à l'Espagne, ainsi que les capacités en GNL", a indiqué un communiqué du ministère de l'Energie, rendu public hier. Pour sa part, la ministre espagnole de la Transition écologique a assuré, elle aussi, que "l'Algérie a promis à l'Espagne de garantir l'approvisionnement de la même quantité de gaz qui arrivait par le Gazoduc Maghreb-Europe (GME) et de respecter les contrats signés par les compagnies espagnole et algérienne", a rapporté le journal espagnol El Pais. "Le ministre nous a expliqué comment procéder à ce transport de gaz par le gazoduc Medgaz, étant donné que la relation contractuelle avec le Gazoduc Maghreb-Europe expire le 31 octobre, et comment le compléter par du gaz naturel liquéfié, selon un calendrier qu'il doit nous préciser de la meilleure façon possible pour nous assurer que tout fonctionne également de la manière la plus fluide et la meilleure possible", a insisté la responsable espagnole. Pour compenser les quantités de gaz acheminées jusqu'ici via le GME et qui sont de 13 milliards de mètres cubes, Alger compte d'abord augmenter la capacité de Medgaz de 8 à 10 milliards de mètres cubes.La quantité qui reste sera remplacée par du gaz naturel liquéfié (GNL) et transportée dans des méthaniers. Selon une source citée par El Pais, pas moins de 48 navires sont nécessaires à cette opération et, en cas du non-achèvement des travaux d'extension du Medgaz avant janvier 2022, le nombre sera porté à 72. En clair, les Algériens ne semblent pas vouloir entendre parler d'une reconduction du contrat d'approvisionnement de l'Espagne en gaz algérien via le GME. En réalité, les Espagnols, "pressés par les Marocains de jouer les intermédiaires", à en croire El Pais, ont envoyé à Alger leur vice-présidente pour essayer, dans une dernière tentative, de faire revenir Alger sur sa décision de ne plus recourir au Maghreb-Europe pour acheminer leur gaz vers l'Espagne. Grand perdant dans le non-renouvellement du contrat du GME, le Maroc voit filer une cagnotte de 50 millions d'euros chaque année comme "droits de passage" et 800 millions de mètres cubes/an de gaz algérien à un prix stable, qui servent à l'alimentation de deux centrales électriques : les centrales à cycle combiné, Tahaddart (Tanger) et Aïn Beni Mathar (Oujda), gérées par deux sociétés espagnoles et représentant environ 10% de la production électrique marocaine, a indiqué El Pais. Selon une source citée par ce journal, "le manque de gaz algérien pourrait augmenter la demande d'électricité du Maroc auprès de l'Espagne, à travers les deux câbles électriques sous-marins qui relient les deux pays. Cette dernière mesure pourrait affecter le marché espagnol de l'énergie". En outre, "l'Espagne est intéressée à faire fonctionner les deux gazoducs pour des raisons d'approvisionnement et de maîtrise des prix", a précisé une autre source au même journal. C'est dire l'importance pour le gouvernement espagnol, sinon de convaincre Alger à continuer d'approvisionner son pays via GME, du moins à la convaincre de les laisser acheminer des quantités de gaz via Medgaz vers le Maroc, comme demandé par les autorités marocaines. En somme, ce dossier gazier aura révélé toute sa complexité, où la géopolitique l'emporte sur le "commerce".