C'est un Hocine Aït Ahmed étincelant de forme et rayonnant de santé que nous avons redécouvert au cours de l'émission débat diffusée ce lundi sur Berbère Télévision, à l'occasion de la célébration du 51e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération. L'émission, qui devait être un spécial histoire, n'a pas tardé à déborder sur les questions de l'heure qui intéressent le pays. Dans ses réponses aux questions posées par l'animateur et les étudiants algériens et français présents sur le plateau de l'émission, Aït Ahmed a, cette fois-ci, sorti la grosse artillerie pour tirer à boulets rouges sur la politique menée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans la gestion des affaires du pays. Pour le leader historique, il n'y a nul doute ; “ actuellement, Bouteflika est en train de remettre les conditions pour une autre déflagration”. “On assiste à une répression terrible des libertés, et tous les droits politiques, culturels, sociaux… ne sont pas respectés bien que le pays ait signé toutes les conventions internationales. Il n'y a pas de justice”, explique-t-il. Mais son réquisitoire ne s'arrête pas là puisqu'il estime que “le pays est en otage car le peuple n'a pas droit au chapitre”. Cette situation, Hocine Aït Ahmed ira jusqu'à la qualifier de “nouvelle colonisation”. Et lorsqu'il aborde le thème de l'accord d'amitié qui pourrait être signé entre l'Algérie et la France, le président du FFS n'a pas la langue dans sa poche. “Ça se déroule de manière clandestine. Bouteflika, qui n'a eu aucun passé réel dans la révolution, veut aujourd'hui nous présenter cet accord comme un haut fait d'armes.” Les déclarations faites par le président de la République qui avait considéré le multipartisme comme étant à l'origine de tous les maux que vit le pays ne sont également pas du goût d'Aït Ahmed qui estime encore que Bouteflika “est resté dans les vieux mythes qui ont détruit le monde arabe”. Certes, il trouve la déclaration de l'ambassadeur de France, lors de sa visite l'année dernière à Sétif, “décente”, mais il se refuse à la lier aux préparatifs de la signature de l'accord d'association. Sur un autre chapitre, celui de l'accusation portée contre Abane Ramdane d'avoir trahi la révolution, Aït Ahmed estime que l'initiateur du Congrès de la Soummam a été “à l'avant-garde de la lutte et il a été le véritable créateur du FLN politique, et cette accusation est surréaliste”. Pour le leader du FFS, le fait qu'on parle ainsi “est la preuve que nous n'avons pas affaire à un détournement de la révolution, nous sommes dans l'anti-révolution”. Evoquant le travail effectué lors de la guerre de Libération par la délégation extérieure du FLN basée au Caire, dont il faisait partie, Aït Ahmed a estimé que “Ben Bella était une simple courroie de transmission des moukhabarate (service des renseignements égyptiens, ndlr). Il détenait aussi le monopole des contacts avec Nasser que j'ai rencontré une seule fois durant tout notre séjour”. Il l'accuse aussi d'avoir été à l'origine de la “terrible répression” qui s'était abattue sur les membres de l'Organisation spéciale. “Ben Bella avait donné l'ordre d'enlever un responsable de Souk-Ahras, peut-être pour le tuer, et en le transférant dans une voiture il a fait un accident ; le militant s'est enfui pour aller directement à la police nous dénoncer”, raconte-t-il. Evoquant la crise dite berbériste de 1949, Aït Ahmed se souvient qu'“il y avait un réel mouvement chez les militants dits berbéristes notamment à Paris. Moi, j'ai condamné cette espèce d'improvisation car l'action n'a pas été présentée sous forme de revendication culturelle, mais sous forme d'un problème kabylo-arabe, ce qui est complètement stupide”. Revenant sur le conflit qui opposait le GPRA à l'armée des frontières, Aït Ahmed note que le Gouvernement provisoire, qui était un gouvernement civil et pluraliste, avait l'usage de la torture, pas seulement sur le territoire, mais surtout au Maroc et en Tunisie, alors que pour ceux qui étaient installés aux frontières sous la direction de Boumediene et Boussouf, la torture et les exécutions sommaires étaient monnaie courante, sans parler des camps de concentration qui étaient réservés à tous ceux qu'on soupçonnait d'être des agents de la DGSE ou de la DST. Hamid Saïdani