Malgré une forte pression interne, régionale et internationale, les militaires soudanais refusent de rétablir le gouvernement de transition que le général Abdel-Fattah al-Burhane a renversé fin octobre dernier, entraînant le Soudan dans une nouvelle spirale de la violence. Les Soudanais ont de nouveau manifesté hier à Khartoum contre le putsch militaire contre la révolution, deux jours après la sanglante répression qui a tué au moins 15 civils, ont rapporté des médias locaux et internationaux. D'autres villes du pays ont vu aussi déferler des milliers de manifestants dans la rue, déterminés à faire rétablir une autorité civile à la tête du pays. De nouveau encore, les forces de l'ordre ont usé des gaz lacrymogènes et de la matraque pour disperser une foule en colère contre les militaires, à leur tête le général Abdel-Fattah al-Burhane, qui demeure sourd face à tous les appels des Soudanais, mais aussi de la communauté internationale. Cet ancien fidèle du régime déchu d'Omar al-Bechir a renversé en octobre dernier le gouvernement de transition, qui était dirigé par le Premier ministre Abdullah Hamdouk, désormais en résidence surveillée. Les membres civils de son gouvernement avaient été renvoyés, les uns après les autres, au lendemain du putsch. De nombreux opposants ont été arrêtés et emprisonnés par l'armée. Ce putsch est intervenu à l'issue de plusieurs semaines de crise politique, marquée par des manifestations éparses, dont certaines ont été téléguidées par les partisans d'Omar al-Bechir et d'un pouvoir militaro-islamiste, comme cela a été durant trois décennie et jusqu'en 2019. Ainsi, et depuis la reprise des manifestations populaires contre le putsch, pas moins de 39 victimes identifiées de la répression ont été enregistrées, sans compter les dizaines de blessés, selon les organisations de la société civile soudanaise. Les balles des forces de sécurité visaient, selon un syndicat de médecins prodémocratie, "la tête, le cou ou le torse". Le même syndicat a accusé les forces de sécurité de pourchasser les manifestants jusque dans les hôpitaux, où les blessés continuent d'affluer. Jeudi, les téléphones fonctionnaient de nouveau, mais internet était toujours coupé par l'armée. Lors des précédentes grandes manifestations, de nombreuses capitales ont mis en garde les généraux, mais, cette fois-ci, l'ONU n'a condamné que le lendemain des tirs à balles réelles, "tout à fait honteux". La vice-secrétaire d'Etat américaine pour les Affaires africaines, Molly Phee, qui venait de quitter Khartoum, a condamné "la violence contre des manifestants pacifiques", tandis que le Togolais Clément Voule, rapporteur de l'ONU pour la liberté d'association, a appelé "la communauté internationale à faire pression sur le Soudan pour faire cesser immédiatement la répression". Mais la chape de plomb a déjà changé la donne : tandis que les manifestants étaient des dizaines de milliers le 30 octobre et le 13 novembre, seuls des milliers ont défilé mercredi. Et jeudi, les appels à la "désobéissance civile" n'ont rencontré aucun écho dans la rue, où la circulation avait repris normalement. La veille, les forces de sécurité avaient bloqué les ponts de la capitale et les avenues qu'empruntent traditionnellement les manifestants – comme ils l'ont fait en 2019 pour dire non au dictateur Omar al-Bechir et désormais au général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du putsch. Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a affirmé par ailleurs que le monde pourra soutenir de nouveau le Soudan si "l'armée remet le train (de la transition) sur les rails".