La rue a gagné la bataille du retour à la légitimité au Soudan. Les putschistes ont cédé et accepté le retour du gouvernement civil, après un mois de manifestations. Des manifestations qui se sont poursuivies hier encore. Le Premier ministre, Abdallah Hamdok, est de retour après un accord entre les civils et les militaires. Avant même l'annonce de l'accord, l'assignation à résidence du Premier ministre écarté, Abdallah Hamdok, a été levée. Mais ce geste des putschistes n'a pas empêché les Soudanais de répondre à l'appel à la mobilisation et d'investir hier encore la rue. Les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants dans plusieurs villes du pays. L'accord trouvé hier dimanche entre les militaires et les civils, personnalités et société civiles, après plusieurs rounds de tractations, va permettre à Abdallah Hamdok de retrouver son poste de Premier ministre, comme réclamé par les manifestants. Le gouvernement sera donc remis entre les mains de civils, selon l'accord. "Un accord politique a été conclu entre le général Burhane, Abdallah Hamdok, les forces politiques et des organisations de la société civile pour un retour de Hamdok à son poste et la libération des détenus politiques", a déclaré l'un des médiateurs soudanais, Fadlallah Burma, un dirigeant du grand parti Oumma. Un groupe de médiateurs soudanais, incluant des journalistes, des universitaires et des politiciens, engagés dans une médiation pour sortir de la crise, a diffusé un communiqué détaillant les principaux points de l'accord. Il inclut le rétablissement de M. Hamdok dans ses fonctions, la libération des détenus et le retour au consensus politique, légal et constitutionnel qui gérait la période de transition, lancée après la chute en 2019 du régime du général Omar el-Bechir en 2019, écarté par l'armée sous la pression de la rue. Le 25 octobre, le général Burhane, chef de l'armée, a rebattu les cartes d'une transition chancelante au Soudan. Il a fait arrêter la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir, mis un point final à l'union sacrée formée par les civils et les militaires et décrété l'état d'urgence. Il avait détenu puis placé en résidence surveillée à Khartoum M. Hamdok, qui dirigeait le gouvernement de transition. Depuis le coup d'Etat, des protestations contre l'armée et appelant au retour du pouvoir civil ont eu lieu principalement à Khartoum. Elles ont souvent été réprimées par les forces de sécurité, faisant au moins 40 morts parmi les civils, en grande majorité des manifestants, et des centaines de blessés, selon un syndicat de médecins prodémocratie. La communauté internationale a dénoncé la répression et appelé à un retour du pouvoir civil. Des appels ont été lancés pour de nouvelles protestations hier dimanche contre le coup d'Etat. Samedi, des centaines de manifestants ont défilé à Khartoum-Nord, une banlieue de la capitale, érigé des barricades dans les rues et mis le feu à des pneus. "Non au pouvoir militaire", ont-ils scandé. Par ailleurs, les ambassadeurs de l'Union européenne (UE) accrédités au Soudan avaient annoncé samedi qu'ils étaient prêts à soutenir "un dialogue élargi" pour apaiser les tensions dans le pays. Par voie de communiqué, la délégation de l'Union européenne à Khartoum a réitéré son "appui aux revendications démocratiques légitimes et pacifiques du peuple soudanais pour la liberté, la paix et la justice pour tous, ainsi que pour la défense des droits humains". Jeudi, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, a fait savoir qu'au moins 40 personnes avaient été tuées lors des affrontements depuis le changement opéré au pouvoir par les militaires, le 25 octobre.