Rabat et ses alliés sont aujourd'hui conscients qu'il faudra désormais compter avec la population sahraouie, décidée à défendre son droit à l'autodétermination. Il y a exactement 30 ans, le défunt roi du Maroc, Hassan II, mettait à exécution l'occupation de l'ancienne colonie espagnole, au mépris des résolutions onusiennes relatives au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, et des conclusions de la Cour internationale de La Haye reconnaissant au territoire du Sahara occidental le statut de “territoire autonome”. Quelque 350 000 Marocains, brandissant le coran, avaient en effet marché le 6 novembre 1975 vers la frontière avec le Sahara occidental, aux côtés du souverain. L'histoire retiendra les tergiversations du colonisateur ibérique et la responsabilité des successeurs du général Franco, invités à organiser une consultation référendaire de la population sahraouie, qui se dépêchèrent de conclure, une semaine plus tard, les fameux accords tripartite de Madrid avec les autorités de Rabat et de Nouakchott, cédant sa colonie (le Nord pour le Maroc et le Sud pour la Mauritanie) aux deux Etats maghrébins. À la fin octobre de la même année, les armées marocaine et mauritanienne attaquèrent les Sahraouis, malgré la présence certes faible des soldats espagnols, ouvrant la voie à la guerre et à l'exil d'un peuple. En 1979, le Maroc, profitant du retrait de Nouakchott du conflit fratricide, annexa tout le territoire du Sahara occidental. Trente années après la “marche verte” et l'occupation illégale du Sahara occidental, le conflit perdure. Rabat, après avoir accepté le plan de règlement de l'ONU de 1990 et de 1991 et après s'être engagé devant les Nations unies et la communauté internationale à organiser un référendum d'autodétermination, a abandonné ses engagements : l'instauration du cessez-le-feu en septembre 1991, succédant à la construction des “murs défensifs”, a été une aubaine pour la monarchie qui l'a exploitée pour consolider l'occupation. Aujourd'hui encore, les arguments avancés par Rabat, sur la “marocanité” du territoire, sont réduits à néant par, notamment le dernier plan de paix des Nations unies “pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental”, plus connu sous le nom de “plan Baker”, la déclaration récente de la IVe commission chargée de la décolonisation, et les affirmations du gouvernement espagnol rejetant la souveraineté du royaume chérifien sur le Sahara occidental, ainsi que la poursuite des manifestations populaires dans les territoires occupés. Il y a quelques jours, le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la mission de l'ONU chargée du référendum au Sahara occidental (Minurso). Au nom de la realpolitik, marquée par les enjeux de la mondialisation et les nouveaux calculs des puissances occidentales, les deux parties en conflit, le Front Polisario et le Maroc, sont invitées une fois de plus à coopérer avec le représentant personnel du secrétaire général des Nations unies. Mais, sur quoi reposera la coopération entre les belligérants, alors que Rabat fête ses 30 ans d'occupation ? Sur l'acceptation ultérieure, par l'autre partie (le Maroc), du plan “Baker” ? Sur le “réaménagement” de ce plan ? Quelle que soit l'issue du travail de collaboration entre Marocains et Sahraouis, Rabat et ses alliés, qui sont dans le Conseil de sécurité, sont aujourd'hui conscients que “la peur a changé de camp” dans les territoires sous occupation et qu'il faudra désormais compter avec la population sahraouie, qui ne semble point décidée à céder sur son droit à l'autodétermination, voire même à l'indépendance. À moins d'assister à un génocide en bonne et due forme. Hafida Ameyar