Un scénario pour le moins inattendu vient bouleverser l'importation des véhicules neufs, et ce, au moment où les citoyens, au même titre que les entreprises et les institutions, s'attendaient à une issue salvatrice à la crise que traverse le marché automobile depuis 2019. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, lors du Conseil des ministres de dimanche dernier, "la révision immédiate du cahier des charges fixant les conditions d'importation des véhicules et l'accélération de l'annonce des concessionnaires agréés", insistant sur l'impératif de "fournir, au niveau régional et dans les grandes villes, un réseau de services après-vente en tant que condition pour accepter leurs dossiers". Cette décision est accueillie comme un coup de massue par les concessionnaires automobiles qui se sont investis, depuis mai dernier, conformément au décret exécutif n°21-175 fixant les conditions et les modalités d'exercice de l'activité de concessionnaire de véhicules neufs. Si pour le moment, les concessionnaires automobiles n'ont dénoncé aucune clause de la précédente loi – sauf les blocages dont ils font l'objet au niveau du comité intersectoriel chargé d'étudier les dossiers et dont ils ont fait part au président Tebboune dans une lettre ouverte –, il est clair que ces opérateurs devront prendre leur mal en patience, d'une part, pour que le nouveau cahier des charges voie le jour, et, d'autre part, pour refaire tout le circuit administratif pour enfin être retenu ou être exclu de la prochaine liste des bénéficiaires des autorisations d'importation. Pourtant, en avril dernier, le président Tebboune avait, lui-même, indiqué que le dossier de l'automobile devait connaître son épilogue au cours de l'été dernier. Suite à quoi, il avait instruit l'ancien Premier ministre Abdelaziz Djerad, qui a promulgué le décret n°21-175 le 3 mai 2021 pour modifier et compléter le décret n°20-227 du 19 août 2020, de libérer les importations après deux années blanches consécutives. Mais c'était compter sans les lenteurs constatées dans les enquêtes confiées aux directions de l'industrie des wilayas et les documents administratifs qui ne figuraient pas dans la même loi et que le Comité interministériel avait imposés aux concessionnaires. Cette situation kafkaïenne a poussé les opérateurs, organisés en groupement de concessionnaires automobiles, à saisir le ministère de l'Industrie avant de s'en remettre au chef de l'Etat pour dénoncer des blocages avérés. Depuis, aucune information n'a filtré sur le secteur de l'automobile. Cette "sortie de piste", prévisible pour les initiés, était déjà dans l'air depuis l'omerta qui a prévalu sur la première liste des agréments délivrés du temps où Ferhat Aït Ali Braham était ministre de l'Industrie. À l'époque, le gouvernement s'attelait à fixer un seuil à 2 milliards de dollars pour les importations des voitures neuves, mais la guéguerre des lobbies, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, a fini par faire capoter les ambitions des professionnels de la filière. Les deux ministres qui se sont succédé au secteur de l'Industrie n'ont pas réussi à débloquer la situation, alors que, d'une part, le marché de l'occasion a enregistré une flambée des prix sans précédent, et, d'autre part, les véhicules importés par les concessionnaires multimarques sont hors de portée des bourses, quand on sait qu'une citadine en entrée de gamme est affichée à 3,2 millions de dinars. Ces aberrations et tant d'autres ne semblent pas inquiéter le gouvernement, qui devra prendre ce dossier à bras-le-corps, en associant les professionnels du secteur pour l'assainir définitivement. D'autant qu'il s'agit d'un fait commercial lié à l'importation d'un produit fini, soumis à l'homologation et destiné à la revente en l'état. Si pour l'instant, le chef de l'Etat n'a fait un zoom que sur "l'impératif de fournir, au niveau régional et dans les grandes villes, un réseau de services après-vente" en tant que condition pour accepter les dossiers des opérateurs, le commun des mortels s'interroge sur les nouvelles clauses que devra contenir le prochain cahier des charges, un "document" qui semble devenir un artifice pour gagner du temps, afin de limiter les importations et préserver les devises. Du coup, il faudra attendre l'année 2022, au moins, pour que le secteur puisse voir le bout du tunnel.