La moyenne par club des dettes des impôts (IRG) et Cnas serait de 50 milliards, soit un cumul de plus de 1 000 milliards en 10 ans de professionnalisme à rebours. Depuis l'avènement du professionnalisme en 2010, sur décision politique de l'ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika, la quasi-majorité des clubs dits professionnels ne paye pas les impôts (IRG) et les cotisations sociales de leurs employés (joueurs et membres des différents staffs technique, administratif, médical, logistique...). En dépit de l'existence d'un cahier des charges du professionnalisme, élaboré au terme des deux conseils interministériels, qui fait obligation aux clubs pros de s'acquitter de ces charges, les dirigeants les ont toujours ignorées avec la complicité évidemment des services des impôts et de la Cnas, pas toujours très enclins à sévir devant ces manquements graves à la loi régissant les sociétés sportives, comme ils le feraient du reste avec n'importe quelle société commerciale récalcitrante. Il faut avouer aussi que les pouvoirs publics n'ont rien fait, non plus, pour rectifier le tir préférant assurer la paix sociale au lieu de renflouer les caisses des impôts et de la Cnas. Au fil des années, la dette de tous les clubs a atteint une somme vertigineuse. Voici quelques chiffres cumulés à titre d'exemples en une décennie, récoltés par Liberté : MCA 85 milliards, ESS 46 milliards, JSK 90 milliards, USMA 110 milliards, USMH 46 milliards, MCO 35 milliards, selon des sources difficilement vérifiables en raison de l'opacité qui entoure ce sujet de la part des services concernés. Selon notre source, la moyenne par club serait de 50 milliards, soit un cumul de plus 1000 milliards en 10 ans de professionnalisme à rebours. Un chiffre confirmé par le ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderrazak Sebgag. "Les dettes fiscales et parafiscales des clubs professionnels algériens de football ont dépassé les 1000 milliards de centimes du fait du non-paiement des impôts et cotisations sociales", a indiqué Sebgag. "À partir de la saison prochaine, les règlements adoptés par la Confédération africaine de football et la Fifa seront mis en application. Par conséquent, tout club ne remplissant pas les conditions n'aura pas droit à la licence professionnelle", a souligné Sebgag lors de sa rencontre, lundi, avec la commission jeunesse, sport et mouvement associatif de l'APN en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Besma Azouar. "L'une des conditions requises pour l'obtention de la licence professionnelle est que le club ne doit pas se trouver dans une situation d'endettement. Malheureusement, des sociétés sportives doivent de l'argent à beaucoup de joueurs et entraîneurs, poussant quelques-uns de ces derniers à saisir le tribunal arbitral du sport pour recouvrer leurs droits", explique-t-il. Pour Segag, "du professionnalisme, il n'y a que le nom. Les sociétés sportives devant être en principe à caractère commercial et posséder des actions existent uniquement grâce aux subventions de l'Etat. Ces sociétés sportives sont malheureusement confrontées à une situation financière catastrophique. Sur les 18 clubs de la Ligue professionnelle, un seul seulement répond aux critères du statut de professionnel fixés par la Confédération africaine de football. Il s'agit de la JS Saoura qui, pourtant, dispose de moyens financiers moins importants que ceux d'autres clubs". Pourtant, les contrats types des joueurs et des entraîneurs élaborés par la FAF mentionnent des montants en brut, c'est-à-dire soumis obligatoirement aux retenues légales. Du coup, une question s'impose : si les montants sont déclarés en brut et que les clubs ne payent pas les charges, c'est-à-dire qu'ils ne payent que les montants en net de leurs employés, où va donc la différence censée être versée dans les comptes des impôts et de la Cnas ? Qui a empoché les retenues, d'autant plus que dans les bilans des clubs, les salaires apparaissent également en brut ? La cour des comptes et l'IGF seraient à ce titre bien inspirées de s'intéresser de près à ce sujet brûlant pour débusquer les présents de clubs fossoyeurs qui ont ruiné les finances des clubs. Lors d'une récente sortie médiatique, le président de la Direction de contrôle de gestion et des finances (DCGF), Réda Abdouche, avait évoqué l'énorme déficit financier des clubs de Ligue 1. "Selon les examens réalisés par la DCGF, la situation est catastrophique pour pratiquement l'ensemble des clubs de l'élite. Financièrement, le déficit de 740 milliards de centimes sur 5 années (2013-2018) a été revu à la hausse, puisqu'il a atteint désormais 848 milliards de centimes. Le chiffre va au-delà des 1000 milliards, c'est une certitude", martèle-t-il. La cour des comptes a relevé en 2018 déjà, dans son rapport d'appréciations sur l'avant-projet de loi portant règlement budgétaire de l'exercice 2016, que "l'ensemble des clubs professionnels ont enregistré des résultats déficitaires les 5 dernières années, bien qu'ils aient bénéficié de subventions annuelles durant la période 2011-2016 d'un montant global de 5 812 784 135,61 DA". La FAF plaide pour une "solution politique" du contentieux des impôts et de la Cnas. "Le gros problème que nous rencontrons actuellement est l'assainissement des dettes fiscales et parafiscales, car les montants sont énormes. Les clubs sont dans l'impossibilité de les honorer. Nous avons besoin d'une décision politique", avoue Dr Yacine Benhamza, vice-président de la FAF. La fédération de football espère une éventuelle amnistie fiscale et parafiscale de la part des pouvoirs publics ou un rééchelonnement de la dette sur une longue durée. Mais est-ce la solution sans avoir, au préalable, démasqué les croque-morts du football algérien.