Résumé : Lorsqu'on était venu demander sa main, Mordjana avait tenté de cacher sa tache de vin avec un foulard. Mais sa belle-mère le lui avait retiré. Saléha avait assuré que sa fille avait reçu un tas de prétendants, mais qu'elle acceptait le choix de son paternel. Hasna avait rétorqué que son fils Samir méritait mieux, mais qu'eux aussi passaient sous le joug de son mari. La jeune fille sentit les larmes piquer ses yeux. Malika sa belle-sœur s'approche d'elle et lui entoure les épaules. -Allons Mordjana, ne soit pas triste. Toutes les filles quittent tôt ou tard leur famille. Mordjana renifle. Non. Ce n'était pas de la tristesse. C'était de la frustration ! Comment pouvait-on proposer sa fille en mariage pour compenser un manque d'argent lors d'une partie de cartes ? Ne voulant pas trop se lamenter sur son sort, elle se reprend et tente d'ébaucher un sourire de convenance. Les plus jeunes vinrent s'accrocher à ses pans. Son cœur chavire. Maintenant les larmes ruissellent franchement sur son visage. Elle était réellement triste de quitter "ses petits". Qui va donc s'occuper d'eux en son absence ? Qui va les nourrir, les laver, se lever le soir pour voir s'ils étaient bien couverts, organiser leurs anniversaires et les suivre dans leur scolarité ? Elle jette un regard à Maroua qui lui sourit en l'aidant à mettre son burnous et son voile avant de lui chuchoter à l'oreille : -Ne te laisse pas démonter par ta belle-mère. Mets un frein à son animosité dès le début. Tu verras qu'ensuite elle te respectera. Malika me semble très sympathique, tu pourras trouver en elle une bonne compagne et pourquoi pas une confidente. Mordjana ne répondit pas. Son esprit était ailleurs. Elle se demandait comment était Samir. Dans quelques heures, ils seront ensemble et se découvriront mutuellement. Elle pousse un soupir. Comment va-t-il la trouver ? Elle ne voulait pas imaginer la suite, et se contenta de suivre les femmes qui l'entouraient et qui se dirigeaient vers la sortie. Au seuil de la maison, elle relève son voile et embrasse ses jeunes frères qui pleuraient à chaudes larmes. Les aînés étaient dehors avec leur père, et eux-mêmes lui avaient semblé tristes ces derniers temps. Quelqu'un rabat son voile et la pousse du coude vers l'extérieur. Il était temps de partir. La route sera longue. Maroua va l'accompagner ainsi que son père et un de ses frères. Ils reviendront le lendemain. Elle pousse un long soupir. Et elle ? Quand reviendra-t-elle ? Va-t-elle trouver la quiétude dans sa nouvelle demeure ou bien va-t-elle se heurter à un mari violent et incompréhensif ? Malika lui avait assuré que Samir était non seulement cultivé, mais très gentil et très affectueux. Etait-ce vrai ou est-ce juste quelques mensonges permis dans de telles circonstances ? Elle s'engouffre dans la voiture, et Maroua se met à ses côtés. Contrairement aux autres mariées, elle n'eut droit ni à une fête ni même à des cadeaux. On dirait plutôt qu'elle embarquait dans un cortège funèbre qui s'empressait de se diriger silencieusement vers un cimetière. C'était aussi un peu vrai. Elle enterrait sa vie de célibataire, mais ne connaissait encore rien de sa destination ! Lassée par les questions qui taraudaient son esprit et fatiguée par les derniers préparatifs, elle se laisse aller contre son siège et s'endort. Son voile la gênait. Maroua rabat un pan sur le côté et l'encourage à se reposer. Elle referme les yeux et ne les rouvrit qu'à la première halte. On s'était arrêté à mi-trajet pour remplir les réservoirs des véhicules et manger un morceau. Maroua ouvrit la fenêtre et on lui tendit quelques sandwiches, des fruits et des boissons. Mordjana regarde sa sœur qui étalait une serviette sur ses genoux pour déballer les sandwichs. Elle n'avait pas faim, mais Maroua lui tendit un morceau de pain qui contenait de la viande et du fromage. -Tu devrais manger Mordjana, le chemin est encore long. -Je n'ai pas faim. Je veux juste un peu d'eau. -Mange d'abord, sinon tu te provoqueras des douleurs à l'estomac et au ventre. Déjà que tu n'a rien pris depuis hier. Mordjana mordit dans son sandwich. La viande était bonne, mais le fromage avait un goût âpre qui lui souleva l'estomac. Elle mâche une bouchée de pain pour faire passer l'acidité puis remet son sandwich à Maroua. -Je n'en veux plus. Je n'arrive pas à avaler quoi que ce soit. Maroua lui propose une pomme, qu'elle accepte contre son gré, mais qu'elle apprécia ensuite. Le fruit était juteux à souhait, et elle ne regretta pas de l'avoir mangé. Enfin elle put boire un verre d'eau. Malika vint s'enquérir de leur confort. -Alors, vous êtes bien dans ce véhicule ? -Très bien, répondit Maroua. Il fait un peu chaud. Je pense que c'est le vent du Sud qui se lève. -Je vais demander qu'on laisse les fenêtres ouvertes. J'espère que vous avez bien déjeuné.
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