Les avocats de la défense ont plaidé, sans succès, l'absence de preuves et ont dénoncé les conditions d'interpellation des prévenus. Le procès des 38 émeutiers d'Arzew s'est ouvert hier dans un climat tendu au tribunal local. Tôt le matin, les familles des prévenus étaient regroupées aux abords du tribunal où des policiers étaient chargés de filtrer l'entrée. Au tribunal d'Arzew, la plupart des parents n'ont pas pu accéder à la salle d'audience, qui s'est avérée exiguë. À 10h15, le fourgon cellulaire arrive enfin escorté par un impressionnant dispositif sécuritaire. Les forces antiémeutes de la gendarmerie se positionnent tout autour du tribunal. La salle d'audience était pleine à craquer. Les 38 prévenus étaient partagés en deux groupes. Le premier avec 27 émeutiers doivent répondre des chefs d'inculpation d'attroupement illégal et trouble à l'ordre public, destruction de biens publics et coups et blessures volontaires contre des agents de l'Etat puisqu'il y a eu 32 policiers blessés ayant des arrêts de travail de 10 à 15 jours. Les 11 prévenus du deuxième groupe sont poursuivis, quant à eux, pour trouble à l'ordre public, atteinte et destruction de biens de l'Etat et acte de vandalisme. Lors des auditions, tous les prévenus ont nié les faits qui leur étaient reprochés récusant le contenu des PV dressés par la police. Certains ont même affirmé au juge qu'ils avaient été violemment battus dans le commissariat et contraints de signer les PV. Deux des prévenus ont encore précisé qu'ils avaient carrément refusé de signer ces fameux PV, et d'ajouter qu'ils avaient été arrêtés alors qu'ils se rendaient à leur domicile. Parmi ces prévenus, seuls quelques-uns étaient propriétaires des baraques qui avaient été démolies le 24 octobre dernier et qui avaient déclenché des émeutes pendant deux jours dans la ville d'Arzew. Le procureur de la République axera son réquisitoire sur la légalité de la décision de l'administration de démolir “ces commerces informels” et de fustiger les prévenus : “Nul ne peut légaliser la violence, nul ne peut encore la justifier. Ceux qui ont commis ces actes de violence sont responsables et doivent répondre de leurs actes !” Sur ce, il requiert pour le premier groupe de 27 prévenus, 5 ans de prison ferme à l'encontre de 5 prévenus repris de justice, 3 ans fermes pour 2 prévenus et 1 an ferme et 5 000 DA d'amende pour le reste des prévenus. Le début des plaidoiries sera marqué par un incident entre le procureur et l'une des avocates qui fera remarquer que “celui-ci aurait pu présenter ses condoléances aux familles des deux manifestants tués lors des émeutes”. Et d'ajouter : “En France, à cause d'un mot d'un ministre, ce sont 900 voitures qui ont été brûlées. À côté, Arzew, ce qui s'est passé n'est rien, et pourtant il y a eu deux morts… !” Réagissant violemment, le procureur interrompt l'avocate et lâche : “C'est un appel au crime !” L'avocate qui contestera l'interruption de sa plaidoirie et le fait que le procureur laissait entendre des propos qu'elle n'a pas tenus sortira de la salle d'audience, laissant la parole à l'un de ses confrères. Toutes les plaidoiries des avocats de la défense seront axées sur l'absence de preuves contre leurs clients, mettant en relief les conditions de leur interpellation et le contenu contestable des PV de la police. Plusieurs avocats relèveront également que la partie civile comme les représentants du port d'Arzew, service exploitation, ou encore ceux d'institutions publiques qui étaient représentés lors de cette audience n'ont pas présenté une estimation des dégâts subis ou encore pour les plaintes de policiers de preuves sur l'identité des agresseurs. À signaler que hormis le conducteur d'un des engins ayant servi à la démolition des baraques, toutes les victimes étaient absentes. Les avocats ont demandé la relaxe pure et simple pour les prévenus. Pour ce qui est du deuxième groupe de 11 prévenus, le procureur a requis des peines de prison ferme de 5 ans et 5 000 DA d'amende à l'encontre de 7 prévenus, 3 ans contre 2 autres assortis d'une amende de 5 000 DA. Les avocats ont mis en relief la sévérité du réquisitoire, alors qu'aucune preuve de culpabilité de leurs clients n'avait été apportée. Hier vers 19h, le juge du tribunal a rendu le verdict. Le magistrat a prononcé ainsi des condamnations allant de 1 an de prison ferme à l'encontre de 11 manifestants, 6 mois fermes à l'encontre de 12 prévenus et des peines avec sursis allant de 1 à 6 mois et la relaxe pour 7 prévenus. À la fin du verdict, des groupes de manifestants ont bombardé le tribunal de pierres et autres projectiles. F. BOUMEDIENE