Résumé : Maroua craint pour son avenir. Mordjana la rassure tout en lui conseillant de s'inscrire à l'Ansej pour un éventuel emploi. Malika les rejoint et présente ses vœux de bonheur à sa belle-sœur avant de demander à Maroua de l'aider à servir le déjeuner. La jeune mariée affronte une dizaine de paires d'yeux qui la dévisagent. Une vieille femme l'importune déjà. La jeune mariée baisse la tête, sans pouvoir répondre. Une autre femme se lève et s'approche d'elle pour lui toucher la joue. Mordjana recule et détourne la tête. - Tu ne veux pas me montrer ton visage, petite vaurienne. Je suis la tante de Samir, sa tante paternelle. On peut dire que notre petit s'est fait avoir. - C'est pour cela qu'elle ne voulait pas ôter son voile à son arrivée hier, reprend la vieille femme. D'autres femmes hochent la tête et l'une d'elles rétorque : - Je me demande comment Hasna l'a acceptée. Elle qui d'habitude est si pointilleuse dans ses choix, ne voilà-t-il pas qu'elle ramène à son fils un "crapaud" ! - Elle s'est fait avoir. Une telle bru ne donnera sûrement pas de beaux enfants à son fils. Elle souillera plutôt sa descendance. Mordjana sent la moutarde lui monter au nez. Comment ose-t-on la critiquer alors que Samir, son mari, le premier concerné par son mariage, a été très indulgent ? Elle réprime un accès de colère et tente de se concentrer sur autre chose, en faisant fi des remarques acerbes de ces mégères. Malika revient et, au premier coup d'œil, saisit toute l'ampleur de la situation. Elle se penche sur Mordjana et lui chuchote : - Je n'aurais pas dû les laisser entrer dans ta chambre. Il est de coutume dans nos traditions que la mariée fasse connaissance, au lendemain de ses noces, avec l'entourage immédiat de son mari. Les femmes doivent présenter leurs vœux et se retirer. Mais, à ce que je constate, ces vieilles tantes vivent encore dans un autre siècle. Elles ne savent pas modérer leurs critiques et n'hésitent pas à lancer leurs phrases venimeuses. Crois-moi, Mordjana, même si tu étais la plus belle femme au monde, elles auraient trouvé à redire. Je vais m'arranger pour qu'elles quittent les lieux. La jeune femme se relève et s'adresse à l'assistance : - Le déjeuner est prêt. Vous pouvez vous installer dans la cour. Aussitôt, les femmes se lèvent toutes en même temps et quittent les lieux en papotant. Elles ont trouvé dans la "brèche" de Mordjana un sujet primordial et ne vont pas cesser de l'évoquer tout au long de la journée. Mordjana se sent triste. Elle ne voudrait pas qu'on répète ces propos malsains à Samir. Elle aimerait tant leur dire qu'elle n'était pas une mauvaise fille. Que malgré sa "calamité" elle possède un grand cœur et beaucoup de qualités que des femmes fort belles ne connaissent pas. Une révolte gronde en elle. Pourquoi fallait-il que ces femmes viennent lui gâcher la journée et mettre un voile sur son bonheur naissant ? Maroua revient et remarque son air triste. - Pense à Samir. Les autres ne comptent pas, lui dit-elle. Malika m'a tout raconté. Mordjana hausse les épaules. - Je le savais. Je m'attendais à toutes ces critiques. - Alors pourquoi es-tu triste ? - Je vais me retrouver seule désormais face à ces ogresses. - Mais non ! Elles vont toutes regagner ce soir leur bercail. - Tu parles ! Ce sont les tantes et les cousines de Samir. Elles vont s'amener tout le temps à la maison, et à chacune de leur visite elles vont m'empoisonner davantage l'existence. - Ne t'en fais pas. Malika en touchera sûrement un mot à Samir, et il saura les rappeler à l'ordre. - Tu crois ? - J'en suis certaine. Elle se tait puis déglutit, avant de poursuivre : - Je vais servir le déjeuner. Dans une heure, nous allons te quitter, Mordjana. Père m'a déjà reproché mon retard. - Déjà ! - Oui, la route est longue. Nous allons sûrement arriver très tard à la maison. Mordjana sent sa gorge se serrer. Avec Maroua auprès d'elle, elle avait pu tenir le coup et faire contre mauvaise fortune bon cœur. Maintenant, elle va se retrouver seule au milieu de cette famille, qui lui est encore étrangère. Elle repense à son mari. Samir va devoir reprendre son travail. Et elle ? Que fera-t-elle de ses journées ? Il lui avait proposé de suivre une formation. Quand va-t-elle pouvoir s'inscrire ? Elle ne connaît encore rien de la ville. Il va sûrement l'accompagner au début et lui faire découvrir les quartiers les plus en vue. Et puis, il a bien parlé de ce médecin. Un chirurgien spécialisé dans l'esthétique. Va-t-il accepter de la traiter ? Va-t-il lui permettre de vivre comme les autres femmes, sans craindre le regard désapprobateur de la société ?
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