Résumé : Mordjana voudrait tout savoir sur son futur mari et craint sa réaction lorsqu'il verra sa tache de vin. Malika la rassure. Son frère n'est pas un monstre et saura la rendre heureuse. Elle lui avait déjà parlé d'elle. On reprend la route. L'air commence à se rafraîchir. On approche du Nord. L'inquiétude reprend chez la jeune mariée. Maroua ne s'évente plus, et le chauffeur a mis une cassette de musique traditionnelle qui n'est pas pour déplaire. Assis à ses côtés, un proche de Samir suit le rythme en hochant la tête et en frappant des mains. Enfin un peu de gaîté, se dit Mordjana. Mais au fur et à mesure qu'ils s'approchent du but de leur voyage, l'inquiétude la reprend. Elle n'est pas la femme qu'il faut pour Samir. Malika lui avait dit qu'il était très cultivé. Il devait occuper un bon poste et gagner aussi beaucoup d'argent. Cet homme avait peut-être aussi une relation. Il connaissait peut-être d'autres femmes et avait fait le projet de choisir lui-même la compagne de ses jours. Elle ferme les yeux. Et elle ? Qui est-elle pour s'imposer ainsi à lui, alors que même son physique pourra le répugner. Elle passe une main sur sa joue, et Maroua surprend son geste. - Ton maquillage a coulé, ma sœur, mais ce n'est rien. Dès qu'on arrive à destination, je te recoifferai et te remaquillerai. Le chauffeur lance alors d'une grosse voix : - Nous y sommes presque. Ne sentez-vous pas la mer ? La mer ? Mordjana et Maroua ne connaissent la grande Bleue qu'à travers la télévision. Elles n'ont jamais vu la mer de près, ni senti ce sel iodé dont on leur avait déjà parlé. - Nous ne sommes plus très loin de la maison maintenant. Regardez, vous voyez ces bâtisses le long de la route ? C'est l'entrée de la ville. Maroua tend le cou et chuchote : - Il y a de très belles maisons par là, Mordjana. Un quart d'heure plus tard, le petit cortège s'engage dans une ruelle et s'arrête devant une demeure ancienne, mais fort belle. Mordjana sent la peur la gagner. Maroua arrange la capuche de son burnous et tire un peu sur son voile. - Tu es fatiguée, ma chérie, mais ne t'en fais pas, nous allons sûrement nous reposer et manger avant que Samir ne s'amène. Malika et Hasna, la belle-mère, s'approchent du véhicule. Malika ouvre la porte toute grande et aide Mordjana à descendre, avant de la guider vers l'entrée de la maison. - Sois la bienvenue chez toi, ma sœur. Que ta venue nous comble de bonheur et de joie. Santé et prospérité à toute la famille, et longue et heureuse vie à ta progéniture. Comme pour accentuer son "fel", elle pousse un youyou. Hasna les précède et court chercher un plateau dans la cuisine. Elle tend à Mordjana une cuillère de miel et un verre de lait. - C'est dans nos traditions d'accueillir les nouveaux venus par la douceur et la pureté, explique Malika, qui marche en lui tenant le bras. Maroua suit, et les hommes sont orientés vers une pièce au fond de la cour. La nouvelle mariée est introduite dans une chambre meublée modestement, mais très propre. Quelques femmes l'entourent. Malika s'empresse de faire les présentations, tout en aidant Mordjana à enlever son burnous et à se mettre à l'aise. Cependant la jeune fille tient à garder son voile. Maroua se met à ses côtés. Une vieille femme toute ridée s'avance vers elles. Elle prend le bras de Mordjana, le contemple un moment, puis tend sa main pour lui ôter le voile. Maroua proteste : - Non. Il ne faut pas ôter le voile de la mariée. Pas encore. Dans nos coutumes, c'est le marié qui doit avoir ce privilège, pas quelqu'un d'autre. Malika s'interpose. - Cette vieille femme est notre grand-mère maternelle. Elle s'approche de Maroua et lui chuchote à l'oreille : - Ne crains rien. La vieille ne voit pas bien. Elle ne remarquera pas la tache de vin sur la joue de Mordjana, si c'est cela qui te fait peur.
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