La réforme, maintes fois ajournée du secteur public marchand, fait perdre à l'Etat des milliards de dollars annuellement, injectés sous forme d'aides ou de rachat de créances des entreprises en difficulté auprès des banques. Cette année, le Trésor a mis en place un programme massif de rachat des créances des entreprises publiques économiques (EPE). La valeur des dettes rachetées par le Trésor public dépasse les 15,3 milliards de dollars, lit-on dans le rapport de suivi de la situation économique de l'Algérie, publié par la Banque mondiale. Cette démarche, pourtant décriée même par l'actuel gouvernement, car coûteuse et contreproductive, a pour objectif d'"alléger les pressions financières découlant de la crise de la Covid-19 sur les EPE et les banques publiques", explique l'institution de Bretton Woods dans son rapport, diffusé à la fin de la semaine dernière. Résultat : la dette publique explose en 2021. En 2020, rappelle la Banque mondiale, "le Trésor a financé un déficit budgétaire global considérable en utilisant les reliquats du financement monétaire du programme 2017-2019 et les liquidités des entités publiques. De ce fait, la dette publique officielle est restée stable, atteignant 49,8% du PIB à fin 2020". Cependant, au premier semestre 2021, les autorités ont commencé par demander des avances à la Banque d'Algérie, entraînant une augmentation temporaire des passifs envers cette institution monétaire. Les avances de la Banque centrale, qui s'est remise à produire de la monnaie au début de l'actuel exercice, ont servi, dès juillet, à racheter les créances des banques sur les entreprises publiques en difficulté. Ainsi, en l'absence d'avancées réelles dans le projet de réforme du secteur public marchand, l'Etat n'a d'autre choix que de mettre davantage la main à la poche pour sauver ses entreprises structurellement déficitaires. Après avoir dédié une partie des 6 557 milliards de dinars imprimés sur la période 2017-2019 au règlement des dettes croisées du secteur public (entreprises et banques), le gouvernement récidive, cette année encore, en mobilisant l'équivalent de 15,3 milliards de dollars à l'effet de racheter les créances des entreprises publiques. En conséquence, la dette publique interne a augmenté de 12,9% entre fin 2020 et fin juillet 2021. Dans le même temps, fait constater la Banque mondiale, les passifs publics envers les banques se sont accrus de 907 milliards de dinars entre décembre 2020 et juillet 2021, et de 1 002 milliards de dinars au seul mois d'août 2021. C'est dire tout l'effet pervers de cette politique de sauvetage à fonds perdus des entreprises publiques, dont la viabilité économique – pour plusieurs d'entre elles – s'avère discutable. Cette approche en matière de gouvernance des entreprises publiques est d'autant plus budgétivore et antiéconomique qu'elle contribue hautement à la dégradation de la qualité des portefeuilles des banques. Alors que cette politique est critiquée pour son inefficacité, à l'heure où s'impose avec acuité une réforme globale du secteur public marchand, l'Etat décide de reprendre certaines des entreprises privées dont les patrons font l'objet de poursuites judiciaires, responsables, en partie, de l'accumulation des créances non performantes au sein des banques.