En ordonnant lors du dernier Conseil des ministres la création d'une nouvelle instance pour enquêter sur l'enrichissement des fonctionnaires publics, le président Tebboune semble décidé à s'attaquer au fléau de la corruption qui ronge l'administration algérienne. Ce nouvel arsenal juridique, que se donnent les autorités, saura-t-il l'endiguer ? Le président Tebboune semble décidé à s'attaquer au fléau de la corruption qui ronge l'administration algérienne. Et pour cause. Il a ordonné, lors du Conseil des ministres tenu dimanche dernier, la création d'une nouvelle instance pour enquêter sur l'enrichissement des fonctionnaires publics avec, à la clé, l'institution de procédures légales rigoureuses à même de garantir une lutte plus efficace contre la corruption. "Le président de la République a décidé la création d'une nouvelle instance pour enquêter sur l'enrichissement des fonctionnaires publics, sans exclusive aucune, à travers des procédures légales rigoureuses pour la lutte contre la corruption et connaître l'origine de leurs avoirs", a indiqué un communiqué du Conseil des ministres, repris par l'APS. "Cette création intervient dans le cadre de l'organisation, de la composante et des prérogatives de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption", a ajouté la même source. Le 1er décembre 2021, le gouvernement avait eu à examiner un avant-projet de loi portant organisation, composition et fonctionnement de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption qui, selon le chef de l'Etat, devra intensifier "des actions préventives de lutte contre la corruption, à commencer par la définition de nouvelles conditions précises pour l'annonce des marchés et des appels d'offres dans les journaux". Ce texte de loi s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la révision constitutionnelle du 1er novembre 2020 et aidera, selon la Présidence, à la concrétisation de l'engagement du président Tebboune pour la moralisation de la vie publique et politique, et le renforcement de la gouvernance à travers la lutte résolue contre la corruption, le renforcement du contrôle et la garantie de la probité des responsables publics, la gestion saine des deniers de l'Etat et la consécration de la transparence. Ce nouvel arsenal juridique que se donnent les autorités saura-t-il freiner le fléau de la corruption qui a pris des proportions alarmantes ? Pour l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), "il eût été préférable et plus cohérent que l'on modifie d'abord la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption par souci de conformité avec la nouvelle Constitution". "L'AACC avoue ne pas comprendre l'actuelle démarche du gouvernement en matière de révision du dispositif législatif relatif à la lutte contre la corruption ! Si ça se limite à remplacer l'ONPLC par la HATPLC, l'AACC est persuadée que ce n'est pas la bonne voie à emprunter...", a soutenu l'association présidée par Djilali Hadjadj dans un communiqué publié sur sa page Facebook, avant d'informer de sa disposition à "faire part de ses propositions" visant à définir et à mettre en place une "stratégie nationale de prévention et de lutte contre la corruption", stratégie qui passe notamment par "le respect des libertés individuelles et collectives". S'il est prématuré de conjecturer sur l'efficacité de la nouvelle loi contre la corruption, il y a lieu, tout de même, de relever que l'adoption, en 2006, d'une loi anticorruption ou la promesse sans lendemain faite en 2014 par l'ancien ministre de l'Industrie Youcef Yousfi, quand il avait été nommé Premier ministre par intérim, aujourd'hui en prison, de s'attaquer aux signes ostentatoires de richesse, n'a pas empêché les affaires scabreuses de proliférer au sein même des institutions de l'Etat. En témoigne le grand nombre de Premiers ministres, de ministres, de hauts gradés de l'armée, de directeurs d'importantes entreprises publiques et privées, etc., traînés devant la justice au lendemain de la chute de Bouteflika, dans le sillage de la révolution du 22 Février 2019. Conséquence : l'ONG Transparency International a classé, dans son rapport annuel sur l'indice de perception de la corruption (IPC) publié en janvier 2021, l'Algérie parmi les "pays fortement corrompus". Elle occupe le 104e place sur les 180 pays classés, gagnant deux points par rapport au précédent classement. C'est dire l'urgence de s'attaquer de front à ce phénomène qui siphonne les ressources nationales et sape le moral des Algériens.