L'érosion du pouvoir d'achat des ménages a, sans nul doute, pesé dans la décision prise par le Conseil des ministres de geler des impôts et taxes prévus dans la loi de finances. Alors que le pouvoir d'achat continue de s'éroder sur fond d'inflation menaçante, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a appelé, dimanche, à surseoir au nouveau barème fiscal appliqué, dès cette année, à certains produits alimentaires et consommables non alimentaires, à l'image des smartphones et des produits informatiques et électroniques. C'est une décision qui se veut un parechoc face à l'envolée des prix des produits alimentaires de base sur les marchés mondiaux et son impact sur les coûts à la consommation. Dimanche, lors de la réunion du Conseil des ministres, le chef de l'Etat a ordonné "le gel, à compter d'aujourd'hui et jusqu'à nouvel ordre, de tous les impôts et taxes, notamment les taxes contenues dans la loi de finances 2022 sur certains produits alimentaires", lit-on dans le communiqué de la Présidence, rendu public à l'issue de ladite réunion. Il est question également de "supprimer tous les impôts et taxes sur le e-commerce, les téléphones portables, les matériels informatiques à usage personnel et les start-up en se contentant des tarifications réglementées". C'est une démarche pour le moins inédite. Le président Tebboune a ainsi décidé de remettre le compteur fiscal à zéro, en suspendant l'application de l'ensemble des taxes imposées à l'importation des produits alimentaires et des consommables informatiques et électroniques. L'objectif de l'Exécutif est "d'éviter aux citoyens l'impact de la flambée vertigineuse des prix dans les marchés internationaux durant l'année en cours jusqu'à leur stabilisation". Ce sont les petites et moyennes bourses qui bénéficieront de ce coup de pouce, étant donné leur forte exposition aux pressions inflationnistes. Outre cette mise en veille du dispositif fiscal de la loi de finances 2022, appliqué à l'importation des biens alimentaires et certains autres consommables non alimentaires, l'Etat s'engage à "prendre en charge la différence des prix des produits destinés aux citoyens par l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), et ce, compte tenu de l'augmentation des prix à l'international", souligne le communiqué du Conseil des ministres. C'est une mesure-bouclier destinée à contrer le bond des cours des produits alimentaires sur le marché mondial. L'Exécutif reconnaît ainsi une situation d'inflation importée, exprimée aussi bien par la progression fulgurante des prix sur le marché mondial que par des niveaux d'inflation très élevés dans les pays partenaires de l'Algérie. Une inflation menaçante Cette situation s'est traduite, en 2021, par une forte fièvre inflationniste, dont le taux a atteint 9,2% en octobre en glissement annuel, que même les palliatifs fiscaux de la loi budgétaire 2022 n'ont pas réussi à faire tomber. Le gouvernement, qui reconnaît une certaine impuissance face à l'envolée des prix des produits alimentaires sur le marché mondial, a révisé à la baisse le barème de l'IRG appliqué aux salaires, tout en relevant le point indiciaire dans la Fonction publique. Ces mesures fiscales phare de la LF-2022, destinées à aider les petites et moyennes bourses, se sont vite révélées insuffisantes face à une érosion accélérée du pouvoir d'achat des Algériens, pris en tenailles entre une hausse quasi généralisée des prix et une faible revalorisation des salaires, oscillant tout compte fait entre 2 500 et 8 000 DA. L'Exécutif a opté, dimanche, en faveur d'un gel pur et simple des impôts appliqués aux produits alimentaires importés, dans une énième tentative de stabiliser les prix en interne et d'agir à la hauteur de l'urgence inflationniste. Les mesures annoncées en Conseil des ministres confirment, bon gré mal gré, l'option du Président en faveur d'un moratoire sur la stabilisation des prix ainsi que sur la levée des subventions. La révision annoncée, dès cette année, du dispositif des subventions généralisées serait ainsi ajournée. La conjoncture ne s'y prête pas. Le sujet est d'autant plus sensible pour le gouvernement que cette hausse des prix, couplée à une importante érosion du pouvoir d'achat, fait ressurgir le spectre d'une crise sociale aiguë. Sur cette question, le chef de l'Etat avait donné le ton en affirmant, voici quelques semaines, que "la révision de l'aide sociale doit passer par un débat national" et "nécessite un certain niveau de numérisation et des statistiques précises sur les revenus en vue de classer les catégories pauvres, moyennes et riches". Sous pression face à la flambée des prix, l'urgence, pour l'Exécutif, serait désormais de stabiliser les marchés internes et d'aider les ménages, plutôt que de plancher sur une réforme structurelle dont l'application est subordonnée à une réflexion approfondie et multipartite.