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Développement industriel et économie de prédation
CONTRIBUTION
Publié dans Liberté le 20 - 02 - 2022


Par : FAROUK NEMOUCHI
ECONOMISTE
Les dirigeants algériens ont fait preuve d'une inaptitude totale pour aider les entreprises nationales à s'intégrer dans les chaînes de valeur mondiale et donner une autre orientation à la croissance.
Une fois l'indépendance politique acquise, l'Algérie a opté pour une doctrine de développement dont l'objectif fondamental est la rupture avec l'héritage économique colonial et une division internationale du travail favorable aux grandes puissances capitalistes. Cette doctrine visait à assurer la pleine maitrise sur ses richesses économiques et la construction d'une structure industrielle intégrée. C'est ainsi qu'à la fin des années 60, la thèse des industries industrialisantes dont la paternité revient au regretté professeur Destanne Gérard De Bernis s'est imposée comme modèle de croissance économique et de développement. Pour le professeur De Bernis l'Algérie doit créer "l'industrie ou le groupe d'industries dont la fonction économique fondamentale est d'entraîner dans son environnement localisé et daté un noircissement systématique ou une modification structurelle de la matrice interindustrielle". La pétrochimie, la sidérurgie, la mécanique, la métallurgie et les industries électriques et électroniques devaient constituer l'ossature fondamentale d'une structure industrialisante capable de stimuler l'ensemble des branches en fournissant les équipements intermédiaires et autres matières premières. L'agriculture devait constituer un débouché important pour les inputs industriels. Le modèle des industries industrialisantes postule que lorsque l'investissement dans les industries de biens de production est important, la production de biens de consommation sera plus élevée dans le futur. Cette expérience a donné lieu dans les années 70 à de riches débats et controverses théoriques animés par des économistes de renom au sein de l'université algérienne et dans les milieux de l'entreprise et autres secteurs institutionnels. Si le modèle des industries industrialisantes est séduisant sur le plan théorique, sa mise en œuvre a révélé des limites qui se sont traduites par l'apparition de distorsions à caractère structurel. Les investissements réalisées dans le secteur des industries de base ont augmenté le volume de l'emploi et donné lieu à la distribution de revenus qui ont stimulé la consommation de biens et services. En donnant la priorité à la production de biens d'équipement et aux consommations productives, le modèle des industries industrialisantes a sacrifié la production des biens de consommation et la satisfaction des besoins exprimés par les ménages a rendu inévitable le recours aux importations. Ce déséquilibre entre production et consommation explique dans une certaine mesure le phénomène de pénuries qui a impacté la vie des algériens durant la décennie 70. La deuxième limite du modèle est la surestimation de la capacité d'absorption technologique surtout lorsqu'on sait que les pôles de développement retenus en raison de leurs effets structurants et industrialisants font appel à des équipements et des procédés de fabrication qui requièrent des compétences avérées. À cela il faut ajouter des pesanteurs sociologiques et culturelles qui rendaient complexes le passage d'une société à dominante rurale à une société industrielle en si peu de temps.
Au début de la décennie 80 on assiste à un changement de cap et les nouvelles orientations économiques annoncent la fin du modèle économique à contenu industrialisant. Elles ouvrent la voie à une politique qui se contente de redistribuer la rente pétrolière lorsqu'elle devient importante et tente de contenir les effets des crises qui surviennent lorsqu'elle s'amenuise en demandant notamment aux citoyens de consentir à de nouveaux sacrifices. En justifiant les difficultés économiques et sociales par l'instabilité du marché pétrolier, le discours officiel a appauvri le débat sur les questions économiques et rendu inopportun une réflexion qui met à nu les dysfonctionnements et les contradictions internes du fonctionnement de l'économie nationale.
Pesanteurs sociologiques
Les programmes économiques des équipes gouvernementales qui se sont succédées depuis la fin des années 70 se contentent de produire la même rhétorique : diversification de la structure productive nationale et des exportations, réforme bancaire, gouvernance des entreprises publiques, amélioration de l'attractivité du climat d'investissement, développement de l'économie numérique etc. La remise en cause du modèle des industries industrialisantes a mis fin aux espoirs nourris par l'ambition de construire une économie intégrée et le coup de grâce sera porté avec l'adhésion de l'Algérie aux accords d'association de libre-échange avec l'union européenne. Ces accords ont entériné le processus d'une libéralisation commerciale qui a maintenu le pays dans la position d'exportateur de matières premières issues de l'industrie extractive et d'importateur de produits industriels et agricoles. Sous la pression des grandes puissances occidentales, du capital international et ses relais locaux, l'Algérie a pour mission d'assurer la sécurité énergétique des pays développés et grâce à la rente qu'elle en tire, elle représente un débouché permanent pour leurs produits. C'est ainsi que le cumul des importations algériennes sur la période 2005-2015 auprès de l'UE a atteint 220 milliards de dollars USD alors que les exportations hors hydrocarbures n'a même pas atteint les 14 milliards de dollars. En empruntant la voie d'une politique d'insertion passive dans l'économie mondiale, les gouvernants algériens n'ont même pas pris conscience des nouveaux enjeux économiques planétaires induits par le processus de mondialisation économique qui s'est accéléré depuis le début des années 80. De nombreux pays ont saisi cette occasion pour repenser leur politique industrielle en tirant avantage d'une intégration aux chaînes de valeur mondiales (CVM). Les CVM désignent la fragmentation internationale de la production, c'est-à-dire que les consommations intermédiaires qui composent le bien final sont délocalisées dans de nombreux pays. Ce processus, initié et coordonné par les firmes multinationales, consacre l'abandon de la politique visant la maximisation du taux d'intégration et vise une optimisation à travers la réduction des coûts. La préservation ou la croissance des parts de marchés est de plus en plus tributaire de capacité à agir en amont de la production en faisant de l'innovation technologique le moteur de la croissance et la principale source de la valeur ajoutée. Les CVM ont remis au placard les grandes stratégies d'industrialisation en vogue dans les années 60 et 70 : la thèse des industries industrialisantes, le modèle de substitution d'importation et la stratégie par la substitution d'exportation. La mondialisation voulue par les grandes multinationales a mis fin aux espoirs suscités par les politiques de développement qui ambitionnaient de réduire la dépendance vis-à-vis du capitalisme international et a fortement encouragé la délocalisation industrielle. Cette évolution est contrariée par la crise financière de 2008 et la pandémie de Covid-19.
Chaînes de valeur mondiales
Si la première cause a mis à nu les failles d'une mondialisation économique structuré par le capitalisme financier et donne lieu aux premières manifestations hostiles à l'hégémonisme de la pensée économique libérale, la pandémie de Covid-19 a accentué cette tendance en aggravant les lézardes apparues dans l'organisation économique mondiale. Elle a surtout remis en cause la dynamique des chaînes de valeur mondiales en révélant les limites de la fragmentation de la production et l'apparition de ruptures d'approvisionnement qui ont fortement touché des secteurs stratégiques à l'instar de l'industrie automobile, de l'industrie pharmaceutique et la microélectronique. Sous l'effet de la pandémie Covid-19, des voix, qui dans un passé récent s'évertuaient à défendre bec et ongles le libéralisme économique s'élèvent pour repenser les dogmes imposés par la mondialisation économique depuis le début des années 80 et opèrent ainsi un grand virage en remettant cause les politiques de délocalisation industrielle stimulée par les CVM et en replaçant au cœur du débat l'idée de souveraineté économique. La dépendance envers un seul fournisseur incite de nombreux pays à revenir à des politiques de sécurisation des approvisionnements en inputs et à des stratégies de ré-industrialisation et annonce le retour aux politiques d'intégration verticale et horizontale des différentes branches de l'économie nationale. En restant à l'écart des changements profonds qui ont marqué l'économie mondiale durant quatre décennies, les dirigeants algériens ont fait preuve d'une inaptitude totale pour aider les entreprises nationales à s'intégrer dans les chaînes de valeur mondiale et donner une autre orientation à la croissance qui est fortement tirée par les biens non échangeables (bâtiments et travaux publics et les services. C'est l'une des causes majeures de l'échec la diversification de la production et des recettes d'exportation.
L'effondrement du marché pétrolier en 1986 conjugué à un poids de la dette extérieure devenu insoutenable a jeté le pays dans les bras du FMI qui a imposé des réformes libérales inspirées par les initiatives du consensus de Washington. La désindustrialisation entamée au début de la décennie 80 a cédé progressivement la place à la formation d'un système économique parasitaire qui perpétue à ce jour les liens d'une dépendance économique imposée par l'héritage colonial. Cette politique a neutralisé les forces économiques attachées à l'essor d'une industrie forte et au développement d'une économie de production au profit d'une accumulation rentière et de l'économie de prédation.
Selon les statistiques de l'ONS, la part de l'industrie rapportée au PIB n'a pas excédé les 5% au cours des 20 dernières années, le taux d'utilisation des capacités de production entre 2011 et 2020 dans le secteur industriel ne dépasse pas les 53% alors que dans les industries manufacturières il est de 38,4%. Dans les industries sidérurgiques, métalliques, mécaniques, électroniques et électriques (ISMMEE), le taux d'utilisation des capacités de production enregistre une perte totale de 9,8 points avec un taux passant de 29,1% en 2019 à 19,3% en 2020. La base industrielle nationale a subi un démantèlement qui a fait chuter sa valeur ajoutée dans le PIB à hauteur de 5% au cours des deux décennies écoulées et il est aisé de comprendre que dans de telles conditions, le climat n'est pas au développement d'une activité de sous-traitance qui représente un préalable de base pour le développement de filières industrielles intégrées. Alors de grâce, que l'on arrête ce feuilleton ridicule sur la création d'une industrie automobile en réduisant la problématique à l'élaboration d'un cahier des charges dont la publication a fait l'objet de multiples reports. Si l'on veut éviter au pays la supercherie de l'importation déguisée de véhicules, Il est plus que nécessaire de produire une étude de faisabilité qui maximise le taux d'intégration et évalue les moyens à mettre en œuvre sur le plan financier et celui du capital humain.
Il est important aujourd'hui de tirer les enseignements de la crise sanitaire si l'on veut reconstruire un tissu industriel en recherchant le meilleur compromis entre les contraintes imposées par la configuration de l'économie mondiale et l'option en faveur d'une conception de développement souverainiste.
En annonçant que l'année 2022 sera celle de l'économie, les dirigeants du pays semblent exprimer leur attachement à une démarche qui rompt avec un système de gouvernance soumis depuis longtemps aux aléas de la conjoncture et à des décisions qui se sont avérées ruineuses et inefficaces. Sur le plan méthodologique, c'est un saut qualitatif important mais il demeure tributaire de la réalisation d'un diagnostic de croissance afin de déterminer les causes structurelles des contre-performances de l'économie nationale et promouvoir une vision économique de long terme fondée sur une hiérarchisation des réformes. Le fiasco de l'industrie automobile et autres filières doit inciter à plus d'humilité en optant pour une stratégie industrielle fondée sur la mise en œuvre de politiques de rattrapage par la maîtrise et l'imitation des technologies existantes. En empruntant cette voie les entreprises sont appelées à se redéployer pour investir et créer de la valeur de la valeur ajoutée en aval du processus de production. Dans le contexte actuel, l'Algérie est désarmée pour espérer rivaliser avec les pays qui sont entrés dans l'ère des industries du futur et qui dégagent une forte valeur ajoutée en amont de l'activité. L'une des priorités d'une nouvelle organisation économique est d'œuvrer pour l'émergence d'une race d'entrepreneurs qui font des affaires en exprimant une volonté d'indépendance vis-à-vis du système rentier. L'industriel construit, le prédateur détruit.


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