S'il offre l'image d'une terre hostile, le désert camoufle en revanche tant de secrets sous ses dunes de "sable muet". Et dans l'inclémence de son climat, s'ajoute aussi la lourdeur des pas des caravaniers qui enfouissent les secrets avec la complicité du "soleil de plomb et le silence des palmiers", dixit Alfred de Musset (1810-1857). C'est le cas de Brahim Sadok, qui est allé sur les pas des chameliers de son oasis sise sur le territoire d'Aïn Sefra (fontaine jaune) pour s'abreuver de quoi écrire sur d'anonymes braves, voire ses aînés qui l'ont précédé Sur le chemin des sables en feu. Contrairement aux départements d'Alger, d'Oran et de Constantine, Aïn Sefra était un territoire militaire où le déplacement était soumis à autorisation de l'autorité coloniale. En liaison avec le passé laissé longtemps en friche, l'auteur n'a eu de cesse de "creuser, fouiller, bêcher" à l'endroit même où les exactions de la soldatesque française ont ensemencé les affreusetés de la guerre. Par bonheur ou miracle, la galerie d'art où s'aligne la fortune de l'art rupestre qui s'étend de Tiout (source) à El Bayadh (ex-Géryville) a échappé à la rage guerrière de l'occupant français. À ce don du ciel, l'enfant du ksar Sidi-Boudkhil qu'il est a tété l'histoire au sein même de sa maman "Safia", où la pureté du lait maternel l'a éclairé sur l'itinéraire de la liberté. Nous devinons l'once d'autobiographie, car c'est par pudeur ou par modestie que l'auteur a préféré plutôt taire le nom de sa maman Dhiba (1926-2012) qu'il affuble affectueusement du pseudonyme de "Safia". Ecrit dans le style narratif des "mots en mets", l'œuvre de Brahim Sadok titille l'avidité du gustatif en lettres et allèche les papilles littéraires du lecteur. Si tant que le loisir de lecture se termine tel son feuilleton préféré et sans qu'il laisse le lecteur sur sa faim. À ce sujet, ce col blanc que nous avons rencontré à la librairie du Tiers-Monde lors de la signature de son roman narre pour nos jeunots une page glorieuse de notre guerre de Libération nationale : "Mon récit raconte la bataille de Mzi (Aïn Sefra) qui s'est embrasée durant les 6, 7 et 8 mai 1960, lorsqu'un des trois bataillons que commandait l'officier de l'ALN Benali Dghine Boudghène dit le colonel Lotfi (1934-1960) envisageait de franchir l'ignoble ligne Morice pour l'acheminement d'armes au pays. Auparavant, celui que l'on surnommait Brahim était venu en éclaireur où il avait trouvé la mort le 27 mars 1960." Dans son odyssée, l'enfant de Tlemcen était secondé par le colonel Mohamed Ben Ahmed Adjel dit Mohamed Abdelghani (1927-1996). Seulement, l'itinéraire n'était pas une villégiature. Loin s'en faut, puisqu'il s'agit de franchir la redoutable ligne Morice, œuvre du Français André Morice (1900-1990). Et dans le feu de la bataille, l'embrasement fut nourri par une escadrille de 50 avions, dont des T-6, T-26 ET T-29 dépêchés de Boufarik et Bousfer ou Aïn Boucefar (Oran). Et en ce qui a trait à l'histoire, l'auteur lève le voile sur ces preux pris dans l'usage éhonté et scandaleux du napalm. "Il est vrai que dans ce rapport de force il y a eu des pertes de part et d'autre, néanmoins la bataille s'était ajoutée aux hauts faits victorieux du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA)", a ajouté notre interlocuteur. Et puisqu'on y est à l'orée de la Journée internationale de la femme du 8 mars, l'auteur y narre également l'histoire de Safia la pure et de son mari Abderrahmane dit Dahmane (1923-1997) qui s'étaient révoltés contre le caïd, le bachagha et l'ignominieux système répressif de la SAS. "Safia y allait ainsi au péril de sa vie et de nuit sous les bombes ennemies qui tuaient les êtres mais aussi les bêtes de somme, dont l'âne, le mulet et le cheval." Préfacé par le professeur Mohamed Guentari, l'œuvre de l'énarque Brahim Sadok s'ajoute à l'écriture de notre histoire. C'est dire qu'outre les richesses, le sol de notre Sud recèle également tant d'histoires qui restent à écrire.