Depuis l'été dernier, le président tunisien, Kaïs Saïed, est parti en guerre contre la classe politique tunisienne, dont Ennahdha, qu'il accuse de bloquer le pays. L'un des cadres du parti islamiste tunisien Ennahdha, Noureddine Bhiri, a été remis en liberté, après deux mois de détention, a indiqué le ministère de l'Intérieur, soulignant qu'il fait toujours l'objet d'une enquête pour "soupçons de terrorisme", dans un contexte marqué par une grave crise politique que traverse la Tunisie depuis plusieurs mois. Noureddine Bhiri, 63 ans, est rentré chez lui après avoir passé deux jours à l'hôpital, ont affirmé son parti et son leader Rached Ghannouchi, en guerre ouverte contre le président tunisien, Kaïs Saïed, qui concentre quasiment tous les pouvoirs en Tunisie depuis l'été dernier, en imposant entre autres l'Etat d'exception qui lui permet de légiférer par ordonnance. Un autre cadre d'Ennahdha, Fethi Baldi, 55 ans, a été également libéré hier, affirment les mêmes sources. Les deux militants d'Ennahdha avaient été arrêtés le 31 décembre et placés en résidence surveillée. Leur arrestation avait eu lieu cinq mois après le coup de force du président Kaïs Saïed, qui avait suspendu en juillet le Parlement contrôlé par le parti islamiste, et s'efforce depuis de le marginaliser, l'accusant d'avoir été derrière un grave blocage politique et économique du pays durant les mois précédents. M. Bhiri, un ancien ministre de la Justice, avait cessé de s'alimenter dès son arrestation quand des agents en civil l'avaient pris de force devant son domicile et conduit vers un lieu de détention secret. Il avait en outre cessé de prendre ses médicaments avant d'accepter d'être perfusé dans un hôpital de Bizerte (Nord), où il a été transféré, toujours en état de détention, deux jours après son arrestation. Ennahdha, qui a confirmé sa libération et diffusé une vidéo montrant son arrivée à sa maison à Tunis à bord d'une ambulance, avait affirmé à plusieurs reprises que sa vie était en danger car il souffre de diabète, d'hypertension et a des antécédents cardiaques. Le ministre de l'Intérieur, Taoufik Charfeddine, avait justifié l'arrestation des deux cadres d'Ennahdha par "des soupçons de terrorisme", accusation qualifiée de "totalement fausse" par le parti. En annonçant hier "l'expiration du placement en résidence surveillée" des deux hommes, le ministère a d'ailleurs indiqué dans un communiqué que cette démarche "vise à permettre à la justice de mener à bien les investigations et les mesures judiciaires à leur encontre". Leur remise en liberté intervient en effet au lendemain de l'entrée en fonction d'un nouvel organe de supervision judiciaire désigné par le président Saïed après qu'il eut dissous en février, au grand dam des défenseurs des droits, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), accusé d'être manipulé par Ennahdha.