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La situation est alarmante
Maternité d'Alger
Publié dans Liberté le 19 - 11 - 2005

La pression sur les maternités d'Alger dépasse tout entendement. Durant les périodes de fécondation, les services gynécologiques obstétriques de la capitale fonctionnent à 140% de leur capacité d'accueil. Le ministre de la Santé et de la Population réfléchit à un conventionnement entre les hôpitaux, les cliniques privées et la Cnas.
La responsable de la santé maternelle et infantile à la division de la santé et de la population d'Alger, le Dr Ouamer, ne fait nullement dans la démagogie. Elle déclare d'emblée : “Nos maternités sont submergées”, confirmant ainsi un constat avéré sur le terrain. “Les entrées des services gynécologiques et obstétriques dépassent les 140% de la capacité d'accueil du mois de mai à octobre, c'est-à-dire pendant la période de fécondité”, confie-t-elle. En 2004, près de 71 000 nouveaux-nés sont enregistrés dans les hôpitaux de la capitale. “Cette statistique ne concerne que les naissances vivantes. Nous ne comptabilisons pas les avortements spontanés (fausses couches) ni les hospitalisations pour des problèmes gynécologiques”, précise notre interlocutrice. 19% des femmes enceintes, qui ont accouché à Alger durant cette année-là, viennent de wilayas limitrophes, particulièrement Boumerdès, Blida, Bouira et Tipasa. “C'est en vérifiant le programme de vaccinations que nous nous sommes rendus compte du phénomène”, explique le Dr Ouamer. Pour elle, il est nécessaire de doter les maternités, au niveau régional, de plus de ressources humaines et matérielles, afin de freiner l'hémorragie vers les grands centres urbains. D'autant que l'affluence des parturientes vers Alger augmente la pression sur les onze services gynécologiques obstétriques (aux CHU Mustapha-Pacha, Béni Messous, Maillot et Parnet et dans chacun des sept secteurs sanitaires) et les deux maternités (Douéra et Staoueli). “Nous avons fermé quatre maternités de polycliniques (Baraki, Beau-Fraisier, Sidi Moussa et Birkhadem), car elles fonctionnaient sans gynécologues. Ce qui constituait un risque pour la sécurité des patientes. Nous avons, par contre, ouvert, en 2000, trente-deux places pour des hospitalisations en obstétrique à Gué-de-Constantine”, indique le médecin. Elle ajoute que l'équipe médicale de la clinique Durando de Bab El-Oued, fermée pour travaux de rénovation, a été transférée à l'établissement Naïma de Belcourt, afin de juguler la demande assez forte sur cette unité (douze accouchements par jour). L'été dernier, les responsables de la DSP ont donné instruction aux chefs de service obstétrique d'occuper, au besoin, des places dans différents services de l'hôpital. “À la même période, nous avons réquisitionné des médecins installés”, révèle encore le Dr Ouamer. Près de 650 gynécologues exercent à leur compte contre environ 320 travaillant pour le secteur public. L'écart est assez significatif. Evidemment, les efforts de la DSP sont assimilés par les praticiens, à un simple colmatage. “Il faut construire de nouvelles structures d'accueil, pour que le nombre de places disponibles dans les maternités soit proportionnel au nombre des parturientes”, conseille le Pr Ladjali, chef de service gynécologique-obstétrique au CHU de Béni Messous. Il suggère aussi de “rentabiliser les lits libres dans les cliniques privées”. Une centaine d'établissements sanitaires, appartenant à des particuliers, sont opérationnels à l'échelle nationale (concentration à Alger et à Oran avec respectivement 16 et 17 cliniques). 68 d'entre eux pratiquent l'activité gynécologique-obstétrique. Le Pr Ouled Slimane, directeur et l'un des propriétaires de la clinique d'El-Biar (l'une des plus anciennes) affirme que son établissement pratique une moyenne de 170 accouchements par mois, soit 4 à 5 par jour, alors qu'il dispose de 40 lits. “Nous avons deux blocs d'accouchement, une salle de radiologie et une autre d'échographie, ainsi que quatre couveuses, dont une dotée d'un appareil de photothérapie. Notre équipe de garde est constituée d'un gynécologue, d'un médecin réanimateur, d'une sage-femme, d'une infirmière, d'un instrumentaliste et de deux commis d'étage. Pourtant nous sommes loin de traiter autant de patientes que nous pouvons en recevoir”, regrette le professeur. “En toute honnêteté, nous évitons les grossesses à risques, par manque de moyens dans la prise en charge des bébés. Notre service de néonatologie n'est pas performant”, reconnaît le Pr Ouled Slimane. “Si le système était bien huilé, les hôpitaux recevraient les grosses pathologies et nous le reste. De cette manière, la pression sera diminuée sur les centres publics”, ajoute-t-il. Il est rejoint dans ce raisonnement par le Pr. Ladjali. Ce dernier recommande concrètement une sorte de complémentarité entre les cliniques privées et les établissements sanitaires publics. “Que le privé gère les situations normales, tandis que les hôpitaux assument les cas compliqués”. Le Dr Ouamer est également du même avis. “Nous avons soumis au ministère de la Santé et de la Population l'idée d'un conventionnement entre les secteurs public et privé”, informe-t-elle. Il semblerait qu'une commission spécifique examine la proposition. Il s'agirait notamment d'évaluer le coût réel d'un accouchement et les frais y afférents (traitement des nourrissons souffrant de pathologies à gravité variable), puis réviser la nomenclature de remboursement des actes médicaux. Jusqu'alors, les prestations fournies par les cliniques privées sont à la charge du malade, à l'exception de la chirurgie cardiaque et de l'hémodialyse. Un accouchement (plutôt location de bloc) doublé d'une nuitée, dans une clinique privée, sont facturés entre 20 000 et 30 000 DA, sans compter les extras. Les bénéficiaires de l'assurance-maladie sont remboursés à des taux n'excédant pas les 1%, dans les meilleurs des cas. Il n'est pas sûr toutefois, même si la tutelle engage les réformes préconisées, que la caisse de la Sécurité sociale consente à assumer les frais d'un enfantement dans une clinique privée au même titre que dans un établissement public
S. H.


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