Des groupes de jeunes se sont rassemblés hier autour des barricades dressées sur la route à l'aide de troncs d'arbres et pierres, et se préparaient à l'affrontement avec les forces antiémeutes. Les habitants du quartier El-Djoumhouria, rattaché à la commune des Eucalyptus, dans la daïra de Baraki, ont fermé hier et durant toute la journée la route menant des Eucalyptus à Meftah pour protester contre “l'oubli” et “le mépris” dont ils sont l'objet de la part des autorités locales, ce qui a engendré une situation des plus inextricables pour la population. Des groupes de jeunes se sont rassemblés autour des barricades dressées sur la route à l'aide de divers objets, troncs d'arbres et pierres, et se préparaient même à l'affrontement avec les forces antiémeutes au cas où elles se présenteraient. Mais, jusqu'en fin d'après-midi, aucun autre incident n'a été enregistré, et le dialogue semblait reprendre les devants puisqu'une délégation formée de représentants de la population devait être reçue par le wali délégué de Baraki en compagnie du président de l'APC des Eucalyptus et du chef de la brigade de gendarmerie d'El-Djoumhouria. “Si nous avons procédé de la sorte, c'est que nous n'avons pas d'autres moyens de nous faire entendre”, explique un homme d'un certain âge, qui exhibe une pile de documents relatifs aux requêtes et doléances adressées par la population du quartier aux différentes administrations et autorités sans qu'il y ait, apparemment, un retour d'écoute de leur part. Une virée effectuée, hier après-midi, dans ce coin oublié de la Mitidja nous a permis de constater de visu toutes les difficultés dans lesquelles se débattent les citoyens. Aucun service public des plus élémentaires n'est assuré dans cette cité que peuplent pourtant pas moins de 8 000 âmes éparpillées sur une centaine d'îlots. C'est donc le ras-le-bol généralisé qui a naturellement abouti à cette explosion de colère heureusement maîtrisée par les adultes qui ont encadré le mouvement de protestation pour éviter toute dérive. La première chose qui attire l'attention du visiteur dans cette localité reste les fosses sceptiques creusées devant chaque maison et qui représente un danger certain pour la santé de la population. Pourtant, nous apprend un citoyen, des milliards ont été engloutis par le projet d'installation d'un réseau d'assainissement qui, en fin de compte, n'a pas vu le jour puisque abandonné avant même qu'il soit terminé. Le même constat est dressé concernant l'alimentation du quartier en eau potable. Malgré les sommes colossales dépensées dans ce cadre, les difficultés persistent. La situation d'abandon total dans laquelle se trouve la bâche à eau renseigne de manière claire sur le peu d'attention accordé à ce service. Un peu plus loin, c'est le dispensaire. Mais, en fait, une structure qui n'a de dispensaire que le nom. Une ancienne habitation coloniale délabrée, des murs lézardés, une porte métallique envahie par la rouille, des colonnes de PVC apparents, une enseigne saccagée… À quelques centaines de mètres de là, en retrait de la route de Meftah, l'école primaire Zidane est aussi un véritable vestige qui vient témoigner de la place qu'accorde les autorités locales à la progéniture du quartier. Infiltrations d'eau de pluie, carreaux cassés, manque d'eau, absence de chauffage, présence de détritus dans la cour où les écoliers sont censés jouer, toilettes comprenant 3 cabines pour près de 400 élèves, voilà le tableau noir d'un lieu dont le rôle est de dispenser le savoir aux générations futures. “L'école ferme carrément lorsqu'il pleut beaucoup car la cour se transforme en véritable lac et empêche les enfants de passer”, témoigne un père de famille excédé. Il nous explique également que les collégiens de la localité sont contraints d'aller jusqu'à Beaulieu, à El-Harrach, pour suivre leurs cours, avec tout les problèmes de transport qui se posent à la population et l'insécurité qui guette notamment les adolescentes. “Cela fait des années qu'on nous a promis le CEM, mais apparemment ce ne sont que des promesses en l'air”, s'indigne-t-il. Pour la vingtaine de sinistrés du séisme du 21 mai 2003 recensés dans le quartier, les problèmes sont naturellement multipliés. “On attendait un hypothétique recasement au moins dans des chalets depuis ce cauchemar, mais on nous a complètement oubliés depuis”, dénonce l'un des propriétaires de maisons menaçant de s'effondrer à tout moment puisque classées toutes rouge 5. Et comme pour compléter ce tableau funeste d'un quartier qui se trouve à moins d'une vingtaine de kilomètres de la capitale, les habitants tiennent à relever la menace que représente pour eux la présence à l'intérieur des zones d'habitation de plusieurs poulaillers et étables. Là également la population n'est pas restée les bras croisés, en adressant des requêtes aux services concernés. Cependant, et comme maudit par le sort et les hommes qui les gouvernent, c'est la même attitude de mépris partout. “C'est comme si on s'était donné le mot”, finit par lâcher un citoyen. Hamid Saïdani