Des crânes fracassés, des côtes brisées à coups de barre métallique, des abdomens perforés par des épées, des corps baignant dans des mares de sang et, pour mieux achever les victimes, des cris de guerre effrayants, des slogans chers à la mouvance islamiste. Non, il ne s'agit pas là d'une scène de film relatant la guerre de religion au Moyen-âge. Ce n'est pas non plus une rixe entre bandes de voyous dans une favela de ville sordide. C'est pire que tout cela. Cette description macabre est le spectacle offert à toute une société par “l'élite” de sa jeunesse. Pas toute l'élite, Dieu merci. En l'espace de quelques jours, dans un mouvement synchronisé (bizarre !), la violence barbare a frappé dans plusieurs universités algériennes. Un mort à Tlemcen, deux autres à Oran et à Biskra, des dizaines de blessés à Boumerdès, Tizi Ouzou : un bilan qui risque de s'alourdir. À ce jour, la riposte aux attaques des inquisiteurs n'est pas à la hauteur des dangers qu'ils portent jusque dans leur regard. Les officiels se murent dans un silence énigmatique. La tutelle, de son côté, n'a pas trouvé mieux que de confondre causes et conséquences. Au vu des dégâts constatés, il est malsain d'expliquer ce déchaînement de violence par les seules tensions électorales autour des comités de cité. D'autres — tout aussi laxistes — avancent l'argument des mauvaises conditions de vie des étudiants. Ces âmes sensibles occultent les racines du mal. Et pourtant, elles sont visibles — un gros nez au milieu de la figure : les assassins des jeunes étudiants de Tlemcen, d'Oran ou de Biskra ne cachent pas leur appartenance politique. De façon ostentatoire, les “semeurs” de mort affichent leur volonté de mettre en pratique les objectifs des partis auxquels ils sont inféodés. Nous devons tout de même signaler la réaction des étudiants de Boumerdès. Ils ont manifesté pour demander la dissolution de l'organisation satellite du MSP (ex-Hamas). Mais n'y a-t-il que l'UGEL à cultiver une vocation totalitaire ? À Biskra, c'est l'UNEA, un satellite du FLN, qui est mise en cause. Dans les universités de l'est du pays, l'index est pointé sur une nouvelle organisation proche d'El-Islah. Ainsi se pose la lancinante problématique de l'application de la loi. Pourquoi avoir accepté puis encouragé des organisations estudiantines dont les activités et les objectifs relèvent du militantisme partisan ? De plus, il y a lieu de se demander si le processus de formation qui mène du primaire à l'université n'est pas miné. Les critiques alarmantes d'experts, d'éducateurs et de parents d'élèves, dénonçant les contenus culturels des programmes de certaines disciplines scolaires — dans tous les cycles d'enseignement — et fustigeant le prosélytisme de certains enseignants, semblent restées lettre morte. Et pourtant, tous les spécialistes — psychologues, sociologues, pédagogues — sont unanimes : les fondations premières de la violence (du terrorisme) sont d'ordre idéologique. Tant que ces dernières ne sont pas détruites, combattues avec fermeté au nom de la loi, il y a fort à parier que l'affligeant spectacle offert par des étudiants fanatiques risque de se renouveler. L'étudiant intolérant — quel paradoxe ! — a été formé dans la sphère culturelle (école, lycée, mosquée, famille). C'est elle qui l'a outillé en repères, valeurs ; elle lui a forgé un idéal aveugle. Une fois à l'université, des apprentis-sorciers en costume cravate les orienteront et armeront leurs bras. Les commanditaires des descentes punitives dans les campus de nos universités n'éprouvent aucune difficulté à se faire obéir. Leurs soldats sont prêts, bien préparés, sur le plan de la réceptivité, aux idées fascistes. À l'intolérance, la mère de toute violence de groupe. À moins qu'il ne soit trop tard, il urge d'agir. Par l'application de la loi et par la totale refonte des programmes scolaires : les débarrasser des scories du “tout idéologique” pour les ouvrir sur l'humanisme universel. C'est après avoir dénombré des dizaines de milliers de morts que le pouvoir qui nous gouverne depuis 1962 s'est rendu compte du véritable profil des assassins — impunis — de Kamel Amzal au début des années 80. Faut-il un autre décompte macabre pour réaliser que les assassins des jeunes étudiants d'Oran, de Tlemcen et de Biskra appartiennent à la secte des semeurs de mort ? A. R.