C'est la première fois que l'Organisation internationale accomplit une enquête dans ce domaine. L'Organisation mondiale de la santé a rendu public, jeudi dernier, un rapport inédit sur la violence à l'égard des femmes. Cette étude, qui reprend les témoignages de 24 000 femmes dans dix pays, le Bangladesh, l'Ethiopie, le Brésil, la Thaïlande, la Serbie-Montenegro, le Japon, la Namibie, le Pérou, Samoa et la Tanzanie démontre que les agressions domestiques commises par le partenaire sont beaucoup plus fréquentes que les violences faites par une connaissance ou des inconnus. En Algérie, l'expérience des centres d'écoute et d'aide psychologique des associations d'aide aux femmes montre que les maltraitances et les brutalités en milieu conjugal sont récurrentes. À titre d'illustration, SOS-femmes en détresse estime le taux des violences conjugales, durant l'année 2005, à 55%. Paradoxalement, les services de police recensent la plupart des agressions sur la voie publique. Au cours du séminaire organisé la semaine dernière par le ministère délégué à la femme et à la famille, Mme Messaoudène, directrice du bureau de la protection de l'enfance à la DGSN, a présenté des statistiques couvrant le second et troisième trimestres de l'année en cours et montrant que plus de 70 affaires prises en charge par les services de police sont extra-familiales. En effet, le constat semble contradictoire. Cependant, il est utile de noter que les femmes martyrisées par leurs conjoints ne portent pas systématiquement plainte. Les plus courageuses préfèrent se tourner vers les associations où elles espèrent trouver un soutien. Quant aux autres, elles continuent à subir en silence, préférant endurer le pire que de perdre leur foyer et compromettre l'avenir de leurs enfants. Les répercussions sur leur santé sont désastreuses. Dans un bilan sur le harcèlement sexuel, le centre d'écoute de la commission des femmes de l'UGTA dresse une liste effarante des contrecoups physiques et psychologiques, allant jusqu'à la dépression nerveuse. Ayant conscience de cette dure réalité, l'OMS considère les violences physiques et sexuelles à l'égard des femmes comme “une question majeure de santé publique”. Son enquête fait ressortir que “parmi les femmes qui ont été brutalisées par leur partenaire, la proportion de celles chez qui les coups reçus étaient, selon elles, directement à l'origine de traumatismes physiques s'établissait entre le quart et la moitié. Ces femmes étaient également deux fois plus exposées que les autres au risque de problèmes de santé et à des problèmes physiques et mentaux, alors même que les actes de violence pouvaient avoir été commis plusieurs années auparavant. Certaines songeaient au suicide où faisaient une tentative de suicide, d'autres éprouvaient une détresse mentale ou des symptômes physiques, douleurs, étourdissements ou pertes blanches”. La London School of Hygiene and Tropical Medicine, PATH et des instituts de recherche et associations féminines dans les pays participants ont pris part à l'étude. Même les femmes enceintes ne sont pas épargnées par la violence de leurs partenaires. “4 à 12 % des femmes, qui avaient eu une grossesse, ont déclaré avoir été brutalisées alors qu'elles étaient enceintes. Dans 90 % des cas, l'auteur des actes de violence était le père de l'enfant qu'elles portaient et 25 à 50 % des femmes concernées ont affirmé avoir reçu des coups de poing ou de pied dans l'abdomen”. Le témoignage de cette mère de famille de la campagne péruvienne est édifiant. “Il [le mari, NDLR] m'a frappée au ventre et j'ai perdu mes deux enfants : des jumeaux, vrais ou faux je ne sais pas. Puis je me suis retrouvée à l'hôpital, je saignais beaucoup et ils m'ont soignée”, a-t-elle relaté aux enquêteurs de l'OMS. Elle est une des rares à avoir confié son drame. 20% des femmes interrogées dans le cadre de l'enquête révèlent n'en avoir jamais parlé à quelqu'un auparavant. SAMIA LOKMANE