L'ONG accuse ouvertement le gouvernement algérien de “passivité face aux viols, aux coups et à la discrimination économique et juridique dont sont victimes les femmes”. Cette ONG des droits de l'Homme a remis ses conclusions hier aux Nations unies. La liste des récriminations retenues contre l'Algérie, en matière de violation des droits de l'Homme et des libertés, s'allonge indéfiniment. Après le carton rouge de Reporters sans frontières, c'est au tour d'Amnesty International de dresser un procès-verbal très éloquent sur les violences commises sur les femmes dans notre pays. Son rapport long de trente-huit pages a été remis hier au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, l'Organisation des Nations unies (ONU). Il est sans appel. De prime abord, l'ONG internationale accuse ouvertement le gouvernement algérien de “passivité face aux viols, aux coups et à la discrimination économique et juridique dont sont victimes les femmes”. Les arguments de son réquisitoire sont légion. Sur le plan législatif, cette ségrégation est avalisée par une loi décriée depuis plus de vingt ans. Le code de la famille voté par l'Assemblée de l'ex-parti unique en 1984, constitue une caution selon Amnesty. “Les dispositions discriminatoires du code de la famille ont favorisé la violence à l'égard des femmes, légitimé la discrimination en pratique et rendu particulièrement difficile pour les femmes de faire face aux conséquences d'atteintes aux droits humains généralisés”, précise le rapport. Son élaboration s'est basée sur “des entretiens effectués avec des femmes victimes de violence”. L'ONG dit également avoir bénéficié de l'apport des associations algériennes de lutte pour les droits des femmes. Ces témoignages lui ont permis de constater “le manque de volonté politique du gouvernement algérien pour protéger les femmes de la violence”. La meilleure preuve à ses yeux a trait aux réserves formulées par l'Algérie au moment de la ratification de la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. D'après Amnesty, la persistance de ces réserves “est un obstacle sérieux à la garantie des droits fondamentaux de la femme”. De fait, elle appelle à leur levée. Pour rappel, notre pays a émis une série de conditions ayant trait notamment au divorce, à l'autorité parentale, à l'héritage, à la nationalité des enfants… en conformité avec les clauses contenues dans le code de la famille. Une rencontre parlementaire, à l'initiative du ministère de la Famille et de la Condition féminine, organisée récemment à l'Assemblée populaire nationale (APN) à l'occasion du cinquantenaire de la Convention onusienne, s'est transformée en tribune de revendication pour la levée des différentes réserves. Les amendements proposés par la commission de révision du code de la famille, installée en hiver 2003 par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, encouragent une telle démarche. Pour autant, rien n'est prévu officiellement. Le gouvernement algérien doit remettre une sorte de contre-rapport aux instances onusiennes aujourd'hui. Il y donnera sa version des faits sur l'application des conventions internationales. Le représentant de notre pays devra également s'expliquer sur les manquements patents dans la prise en charge de la détresse féminine. Entre autres déficiences, l'ONG constate “l'absence persistante de toute enquête approfondie sur les allégations de viols et autres formes de violences exercées contre les femmes et l'absence de poursuites en justice pour les auteurs de ces actes”. Elle dénonce par ailleurs “le manque de formation” des professionnels de la police et de la justice pour ce genre d'affaires. Pis, Amnesty regrette l'inexistence de structures d'accueil efficientes pour les femmes en détresse, “surtout celles ayant survécu à des violences sexuelles et à des traumatismes”. Avant de clore son rapport, l'organisation internationale qui va déléguer un représentant à l'ONU n'oublie pas d'évoquer l'affaire des disparus en s'élevant contre le sort de ces milliers de femmes livrées à elles-mêmes après la disparition de leur mari ou de leurs fils. S. L.