L'avertissement, émanant de Ali Mebtouche, président de la Fondation de la Casbah, est des plus clairs et ce n'est pas la visite guidée, proposée hier aux journalistes, qui pourrait mettre en doute ce constat. Classée patrimoine mondiale par l'Unesco en 1992, La Casbah d'Alger risque de perdre ce statut si rien n'est entrepris pour sa restauration. L'avertissement, émanant de Ali Mebtouche, président de la Fondation de La Casbah, est des plus clairs et ce n'est pas la visite guidée, proposée hier aux journalistes, qui pourrait mettre en doute ce constat. Des quartiers entiers disparus, des maisons effondrées et d'autres qui sont sur le point de l'être… Et même ces bâtisses où sommeillent des pages entières de l'histoire n'échappent ni aux effets du temps ni à l'incohérence des décideurs qui se sont succédé. Comme en témoigne, parmi tant d'autres bâtisses, Dar Zergouni, première cache d'où sont sorties armes et munitions un certain 1er novembre 1954, la maison où El Hadj M'hamed El Anka a vu le jour en 1907, rue Tombouctou, qui a complètement été rasée, et de laquelle il ne reste qu'une plaque commémorative, scellée sur un mur qui semble lui-même fatigué d'attendre que les décisions prises pour la restauration du Vieil Alger soient effectivement appliquées. Car les décisions ne manquent évidemment pas et remontent, à en croire Ali Mebtouche, à 1998, date à partir de laquelle “rien n'a été fait”. Par conséquent, un retour sur les faits s'impose selon le président de la fondation, créée en 1991, qui fait l'historique suivant. En 1998, Ahmed Ouyahia, le chef du gouvernement, décide de débloquer la somme de 43 milliards de centimes pour la restauration. Pour cela, La Casbah a été compartimentée en cinq îlots afin de procéder au recensement des propriétaires et de leur relogement sur d'autres sites. L'opération a d'abord touché Sidi Ramdane et Souk El Jemaâ et 3 000 logements ont été attribués à ces familles. Et puis plus rien, atteste Ali Mabtouche qui précise que “du temps de Nourani, ex-wali d'Alger, sur les 3 000 logements, 2 000 ont pris une destination qui nous est inconnue. Quant à l'argent, il a été dilapidé. Comment peut-on dépenser 280 millions de centimes pour faire de l'espace Lallahoum (Zoudj Ayoun) une esplanade ? Comment peut-on dépenser 4 milliards de centimes pour la restauration de la seule maison de Mustapha Bacha ? C'est évidemment beaucoup trop”. Et depuis 1998 ? Rien n'a été fait, sinon faire appel à des jeunes, dans le cadre de l'emploi des jeunes, qui font n'importe quoi, répond-il. Ici c'est la déliquescence de l'Etat qui est responsable. “Car comment expliquer qu'un changement de wali peut remettre en cause une décision du chef du gouvernement ?” se demande de son côté, Abderrahmane Mekhalif, membre de cette fondation. Pour ce dernier, la restauration de La Casbah n'est pas une opération difficile : “Il faut simplement revenir à ce qui avait été décidé en 1998 : procéder à l'îlotage, reloger les propriétaires et les obliger, en leur octroyant un prêt, à restaurer leurs maisons en respectant l'architecture traditionnelle telle que définie par un cahier des charges.” En attendant ce jour, et avant que La Casbah ne subisse un affront supplémentaire, celui d'être déclassée, certains propriétaires ont procédé à la restauration. À l'image de Meziane Hassan qui vient de retaper la maison où est née Djamila Bouhired, et où se trouve une fontaine qui date de 1730. Comme pour dire la fragilité des hommes et l'entêtement de l'histoire. SAMIR BENMALEK