La confrérie des Frères musulmans (FM), fondée en 1924 par Hassan al Banna, et bannie par Gamal Abdenasser en 1954, poursuit sa montée en Egypte. Ses responsables ont annoncé avoir remporté 28 nouveaux sièges à l'issue du scrutin de samedi, poursuivant leur spectaculaire percée depuis le début des législatives malgré les violences et les intimidations. Si ces résultats étaient confirmés, le mouvement islamiste aurait 75 sièges sur 454 au Parlement à l'issue de la troisième phase qui se tiendra début décembre. La compétition est si ardue pour le régime de Moubarak que celui-ci a dû recourir à des méthodes musclées, faisant donner ses nervis contre les candidats de la confrérie islamiste, qui a, d'ores et déjà, acquis ses lettres de noblesse en tant qu'unique force d'opposition sérieuse en Egypte. Bien que moins graves qu'au premier tour, des violences ont éclaté dans plusieurs villes, impliquant des hommes de main des candidats du Parti national démocrate (PND) au pouvoir, selon plusieurs ONG. La ficelle est si grosse que des juges égyptiens ont été contraints d'accuser les forces de sécurité d'avoir entravé la quatrième journée d'élections législatives, marquée par des violences et une nouvelle vague d'arrestations, qui a touché plus d'un demi-millier de Frères musulmans. Un communiqué du Club des magistrats, syndicat professionnel, a dénoncé l'attitude de la police, des manipulations de listes électorales, et préconisé dans une vingtaine de circonscriptions l'arrêt ou le report des opérations de vote. Moubarak a malheureusement montré qu'il insiste pour tuer dans l'œuf la réforme démocratique qu'il avait promise, a commenté Mahmoud Mekki, vice-président à la cour de cassation. Pourtant, la percée de ce mouvement, interdit en 1956 mais toléré depuis les années 1990, ne met pas en péril le système Moubarak qui, d'une façon ou d'une autre, est assuré d'une écrasante majorité dans la nouvelle assemblée, bien que le PND n'a gagné jusqu'à présent que 120 sièges. De nombreux élus indépendants sont néanmoins susceptibles de rallier ce parti après le scrutin, comme cela s'était passé en 2000. Moubarak, qui a rempilé son cinquième mandat avec un taux de participation de 20%, ne veut certainement pas se trouver en tête à tête avec un mouvement qui considère ces législatives comme un véritable marche pied pour la prochaine présidentielle. En effet, le pouvoir de l'Assemblée nationale, comme dans le reste du monde arabe, est insignifiant, du fait de sa réduction à une simple caisse de résonance. Mais, en vertu des amendements constitutionnels que Moubarak a été obligé d'introduire face à la pression des Etats-Unis, seuls les partis crédités d'une représentation de plus de 5% au Parlement pourront concourir à la magistrature suprême. Conscients de la réaction de Moubarak ainsi que de celle de l'Occident, les Frères musulmans ont d'ailleurs eux-mêmes restreint la liste de leurs candidats aux législatives, se contentant de 125 circonscriptions sur les 444 que compte le pays. La victoire des islamistes est d'autant plus significative qu'elle a concerné des grandes villes de l'Egypte où la bataille a été âpre comme à Alexandrie et dans d'autres grands ports du Nord, à l'instar de Port-Saïd ou Suez, et même dans le delta du Nil. Les législatives ont commencé le 9 novembre, deux mois après la réélection de Moubarak. La troisième et dernière phase aura lieu les 1er et 9 décembre prochains. D. Bouatta