Le Sommet de Barcelone, handicapé par d'éminentes absences, ne pourrait, à l'évidence, que constater la vanité du processus dit de Barcelone. L'Europe n'en est pas une, encore à vrai dire. Si le rejet de la Constitution n'a pas encore convaincu, les nationalismes résiduels témoignent encore de l'écart entre l'envergure du projet et l'étroitesse des vues nationales qui le brident. Entre l'attachement du Royaume-Uni aux primes reversées pour son adhésion et celui de la France pour les termes de l'actuelle “Politique agricole commune”, on observe la précarité du consensus qui n'arrive même pas à s'imposer aux pays fondateurs. En attendant un aléatoire budget, les institutions de Bruxelles semblent parvenues au meilleur d'elles-mêmes. Ce n'est donc sûrement pas en pleine impasse européenne qu'il fallait s'attendre à voir la perspective méditerranéenne prendre forme. Ce n'est pas, non plus, faute de volonté des pays d'Europe du Sud. Ceux-ci y tiennent, ne serait-ce que pour couper l'herbe aux velléités américaines au Maghreb et contester l'actuel monopole des Etats-Unis au Moyen-Orient. Dans l'appellation même de l'espace concerné, l'“Euro” précédant la “Méditerranée” qui pourtant unit trois continents témoigne du sous-entendu géopolitique. En face, le Sud méditerranéen est constitué de pouvoirs dont le souci de stabilité de leur régime est seul à déterminer leur action de coopération. Entre l'opulence rentière de leurs Etats et la misère qui accable leur peuple, ils sont trop préoccupés par leur précarité politique pour s'investir dans des visions d'envergure régionale ou interrégionale. Mais ce seront les questions politiques qui détermineront l'avenir de l'idée de Méditerranée et qui, pour le moment, l'étouffent. Il ne sera probablement pas possible d'envisager une riposte à l'unisson contre le terrorisme islamiste tout en refusant de s'imposer une solution aux dernières questions de décolonisation de la planète qui, justement, se trouvent être méditerranéennes. En évitant de s'impliquer au Sahara occidental et en Palestine, l'Europe choisit, invariablement, de se positionner a posteriori sur des faits accomplis qu'elle laisse faire. Ce qui n'est pas la meilleure manière d'œuvrer à l'émergence d'un sentiment “euroméditerranéen” du côté des victimes de cette stratégie de la passivité. Devant la modestie du bilan du processus et la difficulté de relance d'un projet qui souffre de ses limites politiques, on aurait voulu faire du rendez-vous de Barcelone l'occasion de renforcer sa protection contre l'invasion migratoire. Ce qui revient à vouloir créer une zone d'échanges matériels et renforcer, au même moment, la barrière humaine. Or, l'émigration a de tout temps constitué l'élément principal de régulation des inégalités internationales. En Méditerranée plus qu'ailleurs. L'Europe ne se construit-elle pas par le procédé des péréquations de développement ? Pourquoi donc ce qui vaudrait pour l'UE ne le vaudrait-il pas pour l'Euro-Méditerranée ? M. H.