Le processus de Barcelone, dissous dans la Politique de voisinage, renaîtra-t-il par l'Union pour la Méditerranée? Traditionnellement, les Sommets européens se réunissent sur un ordre du jour défini à l'avance, sur lequel les réunions des ministres des Affaires étrangères qui les précèdent ont balisé les contours et établi les priorités. Dans ce sens, on peut noter que la rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement de jeudi et hier à Bruxelles fait exception. Elle a accueilli, sans qu'il soit prévu au départ ni discuté par la ministérielle qui l'a précédé, le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM). Et ce n'est pas rien. De son annonce en octobre 2007 par la président français Nicolas Sarkozy, à l'appel de Rome qui a vu le ralliement de l'Espagne et de l'Italie au projet, et jusqu'au 3 mars dernier lorsque l'Allemande Angela Merkel a levé son «veto» sur le principe du projet, il faut reconnaître à la France sa persévérance et son intelligence diplomatique pour réussir un premier consensus au sein de l'UE autour de «son» initiative, certes, différente de l'originale (l'Union méditerranéenne), mais une initiative plus ciblée sur le contenu de la coopération UE - Sud Méditerranée. Ainsi, c'est l'ensemble des 27 pays de l'UE qui seront associés à ce nouvel «habillage» du processus de Barcelone. Tout au long de la promotion du projet, les inquiétudes, voire les oppositions des uns et des autres, n'ont pas manqué. Jusqu'au jour de l'ouverture du Sommet où le président du Parlement européen (PE), l'Allemand Hans Pöttering, n'a pas hésité à signaler les limites à respecter par les promoteurs du projet méditerranéen. «Il importe que toute forme d'Union méditerranéenne renforce et développe le processus de Barcelone. Il ne saurait être question de mettre en place une structure institutionnelle autonome ou concurrençant le processus de Barcelone» a-t-il déclaré, dans un communiqué officiel. De son côté, le président portugais de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a souhaité la bienvenue au projet. Le président du groupe socialiste au PE, le Français Martin Schulz a, lui aussi, interpellé, mercredi, le président français en déclarant que «si l'Union pour la Méditerranée est un renforcement du processus de Barcelone, alors nous sommes tout à fait d'accord...mais si elle porte la division au sein de l'UE, ce sera dommageable pour l'Europe et cela contribuerait à isoler la France.» Finalement, on a coupé la poire en deux. Retenir le projet français tout en l'intégrant au processus de Barcelone. Autrement dit, quelle que soit la mouture finale de l'UPM, la France pourra s'enorgueillir d'avoir donné un nouveau souffle au processus de Barcelone, tant par ailleurs il est critiqué pour ses faibles résultats. Indéniablement, ce serait une sérieuse avancée dans le partenariat euro-méditerranéen que d'avoir une structure (institution) coprésidée par l'UE et le Sud Méditerranée, tel que proposé par le projet. En outre, la création de commissions paritaires sectorielles et d'un secrétariat permanent dans lesquels la Commission européenne est incluse, permettra un suivi et un contrôle des plans de coopération. Selon beaucoup d'observateurs, l'élargissement de l'UE aux pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que le lancement, depuis janvier 2007, de la Politique de voisinage de l'UE a poussé, plus encore, à la marge le processus de Barcelone. Ces seules raisons suffisent à justifier la nécessité d'un plan d'urgence pour le processus de Barcelone, quitte à s'appeler Union pour la Méditerranée ou autre. D'ailleurs, le projet de Sarkozy avait, au départ, rencontré de vives critiques et oppositions de tous bords, pour être finalement accepté par une large majorité d'Etats au nord comme au sud. C'est vrai que le président français n'a pas toujours été sur le plan international (et chez lui) exempt de tout reproche. Loin s'en faut. Par contre, il faut lui reconnaître qu'il a, par la remise à l'ordre du jour du projet de l'ancien président François Mitterrand de 1995, celui d'une Union méditerranéenne, visé juste. A sa charge maintenant de l'inscrire dans le contexte d'aujourd'hui. Là-dessus, la France a, dans la perspective de sa présidence de l'UE, à partir du premier juillet prochain, programmé pas moins de huit réunions ministérielles avec les 16 pays du Sud-Méditerranée concernés par l'UPM. Il s'agit des onze pays du Sud, plus la Mauritanie et les pays balkaniques (Croatie, Monténégro, Albanie). Avec une telle ambition, ce sera les questions des finances des projets qui seront au centre des débats. Si les Européens affirment qu'ils ne sortiront pas des plafonds déjà fixés dans le processus de Barcelone, il reviendra aux pays du Sud de savoir négocier de nouveaux projets qu'ils - souhaitons-le - proposeront. Comme des acteurs à part entière de l'UPM. Pas comme des assistés.