Après l'ébouriffant succès de “Kirikou et la sorcière”, “Kirikou et les bêtes sauvages”, coréalisé par Michel Ocelot et Bénédicte Galup et qui doit sortir en France, en Belgique et en Suisse, mercredi prochain, est un exemple réussi de délocalisation dans le domaine artistique. Le jeune Africain Kirikou, personnage central du film d'animation Kirikou et les bêtes sauvages, a connu un itinéraire singulier sur le plan artistique : conçu à Angoulême dans l'ouest de la France, il a été dessiné au Vietnam. “Imaginez un peu : des Français ont demandé à des Vietnamiens de dessiner l'Afrique, un continent sur lequel chacun avait un imaginaire différent”, souligne Olivier Reynal, superviseur de l'animation au Vietnam pour la maison de production Les Armateurs. De juin 2004 à juillet 2005, il a mené le projet chez Armada TMT, le studio saïgonnais choisi pour cette mission. Le premier film, Kirikou et la sorcière, créé avec un budget de 3,8 millions d'euros, et couronné par 32 prix internationaux, avait été animé en Lettonie et en Hongrie. Même avec 4,8 millions d'euros cette fois-ci, “il était impossible de tout réaliser en France”, explique Olivier Reynal. “Si Les Armateurs n'avaient pas délocalisé l'animation, le film n'aurait jamais vu le jour.” Une diffusion à la hauteur du défi culturel qu'a représenté sa conception. “L'animation de Kirikou fut une véritable aventure pour la cinquantaine d'employés qui ont travaillé sur ce projet”, se souvient Christine Gamonal, directrice générale d'Armada TMT. Le studio est plus habitué à dessiner pour la télévision et il a fallu, pour les techniciens vietnamiens, découvrir la précision, l'exigence, une certaine conception du détail. “C'était notre premier long-métrage et nous n'avions jamais été confrontés à une telle exigence dans le dessin”, raconte Nguyen Thanh Liem, nommé chef animateur, en cours de production. Dessiner l'Afrique a été également une première pour l'équipe, qui n'avait par exemple jamais vu de hyène ni d'autruche. “Nous avons donc regardé des documentaires télévisés et des livres sur la culture et la faune africaines”, se rappelle Huynh Cong Van, animateur sur le film. Des femmes torse nu portant haut des seins généreux, un héros minuscule au ventre rond et au dos cambré : les personnages de Kirikou sont loin de la physionomie vietnamienne. “Au début, nous avons trouvé ces corps étranges. Puis nous y avons décelé une grâce magnifique”, raconte Liem. Si le design des personnages et le script ont été transmis par Angoulême, Kirikou n'en a pas moins gagné “une petite patte vietnamienne dans des intentions de jeu. Comme la manière dont se creuse un dos ou le mouvement de tête de Kirikou quand il regarde un papillon”, décrit Olivier Reynal. “Quand certaines idées devenaient trop subtiles pour être traduites par des mots, il restait le dessin pour se comprendre”, explique Ly Thi Thu Thuy, traductrice chez Armada. De cette aventure subsiste une grande fierté. Certains se sont passionnés au point de voir leur vision du métier changer. “Kirikou et les bêtes sauvages devrait, en tout cas, permettre au studio de rentrer dans la cour des grands”, pronostique Christine Gamonal. Le film sera diffusé dans près de 50 pays en Europe, Amérique, Afrique et Asie : après sa sortie mercredi, il poursuivra sa carrière notamment en Italie et en Espagne (16 décembre), au Québec (fin d'année) et en Norvège. R. N.