À peine les Pharaons baissèrent le rideau de leur manifestation cinématographique que les Emiratis investissent les salles obscures, et ce, depuis hier jusqu'au 17 décembre. Grâce à un arrangement, trouvé cette année, la concurrence surréaliste — les deux festivals s'étaient tenus presque en même temps l'année passée — l'animosité de l'an dernier semble être reléguée aux oubliettes. Visiblement, le Diff veut éviter les erreurs de néophyte de la première édition. Il étoffe son équipe en incluant des critiques de cinéma qui sillonnent les festivals, soigne son organisation en s'entourant de personnes travaillant pour des manifestations réputées et se montre plus professionnel dans sa communication. Outre cela, pour sa deuxième édition, le Diff qui reste sans compétition a concocté une cuvée éclectique se voulant miroir de ce qui se fait dans les cinémas des cinq continents. En plus des grands films, faisant partie des shoppings cannois, vénitien et berlinois, les organisateurs ont réservé une place de choix aux cinémas d'Afrique, d'Asie et du Machrek, avec un clin d'œil au vigoureux cinéma latino-américain. Vraisemblablement, la manifestation émiratie continue ses opérations de charme en ayant comme point de mire de sa nouvelle programmation les grosses productions internationales. Cela est d'autant plus vrai qu'en général, les réalisateurs sont tous conviés à accompagner la projection de leur film. La majorité de ces films a été repérée dans les divers grands festivals de la planète avec une très forte empreinte cannoise. Entre l'Enfant (palme d'Or 2005) des frères Dardenne et U-Carmen Ekhayelitsha de Mark Dornford-May (ours d'Or 2005), les programmateurs ont aligné, entre autre, Constant Gardner de Fernando Mereilles, EIisabeth Town de Cameron Crowe, Broken Flowers de Jim Jarmush, Cahé de Haneke et La Mort de Monsieur Lazarescu de Cristi Puiu. Le deuxième point fort est incontestablement le programme réservé aux cinémas des pays arabes. La cuvée 2005 offre les meilleures productions venant de Palestine, du Liban, d'Egypte, d'Irak… Parmi eux, on retient Paradise Now du Palestinien Hany Abou-Assad, qui traite des bombes humaines, et Attente de Rashid Meshrawi qui vient de recevoir la licorne d'Or au dernier festival du film d'Amiens. On ajoute à ceux-là, les meilleures productions de l'année, entre autres, Perfect Day de Khalil Joreige et Jona Hadjithomas, et Massacre de Monika Borgman, qui évoque les massacres de Sabra et Chatila. Par ailleurs, Ghair Saleh (underexposure) de l'Irakien Oday Rasheed, le premier long métrage post-Saddam, reste le plus attendu. De son côté, l'Afrique se dévoilera comme une mariée, parée de ces meilleures et derniers bijoux comme Moolaadé de Ousmane Sembène, La Nuit de la vérité de Fanta Regina Nacro, Ouagasaga de Dani Kouyati, Bab el Web de Merzak Allouache ainsi que Il Etait une fois l'Oued de Djamel Bensaleh, sous les yeux émerveillés des cavaliers émiratis… Dans les films occidentaux traitant des réalités de la colonisation, un film risque de faire parler de lui. Il s'agit de Nuit noire, 17 octobre 1961 du français Alain Tasma (2005), ex-assistant de François Truffaut, qui revient sur les massacres des Algériens perpétrés par la police française, à Paris, en octobre 1961. L'autre point pertinent à relever, c'est la programmation des courts métrages, où l'on trouve de jeunes talents qui dessinent l'avenir du cinéma et livrent des regards aussi authentiques que sincères sur leur société respective. On retient des films sur la Palestine, l'émigration et les réalités des différents pays représentés, à l'instar de Algériennes de Djamel Sellali et Today 30th November de Mahmoud Soliman. Alors que le cinéma latino se déclinera, entre autres, sous l'objectif du Chilien Miguel Littin avec La Ultima Luna (la dernière lune), qui revient sur l'histoire de la Palestine, le documentaire (un genre souvent relégué aux sections secondaires mais qui prend de plus en plus de place dans les festivals) n'est pas oublié à Dubaï, puisque toute une section propose quelques dernières productions du cinéma mondial. On y trouve notamment Cesky Sen (un rêve tchèque) de Vit Klusak et Filip Memuda. Enfin, côté hommages, on retient ceux qui seront rendus au comédien égyptien Adel Imam avec la projection notamment de Terrorism & Kebab de Shareef Arafat et à l'acteur Afro-américain Morgan Freeman, devenu la mascotte du festival, avec la projection de Driving Miss Daisy de Bruce Beresford (1989) et de The Shawshank Redeption (1994) de Frank Darabont. Tahar HOUCHI