Les films à gros budgets venus d'Hollywood ont peu de succès en Afrique faute de salles pour les diffuser, mais les productions bon marché, tournées au Nigeria, les films Nollywood, distribués en DVD ou sur des chaînes privées, font un tabac sur tout le continent. Les films Nollywood plaisent surtout parce qu'ils sont à l'image du quotidien africain: corruption, fraude, drogue, trafics en tous genres, violence, sorcellerie, amours compliquées et contrariées mais presque toujours avec un «happy end». Pour la première fois depuis 13 ans un film africain, Un Homme qui crie du cinéaste tchadien, Mahamat-Saleh Haroun, est en compétition au Festival de Cannes. Mais cela ne peut faire oublier que le cinéma agonise et que les salles sont une espèce en voie de disparition en Afrique: on les transforme en églises pentecôtistes, en night-clubs, voire en hangars. Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision (Fespaco), organisé tous les deux ans à Ouagadougou, fait encore de la résistance. Mais la prolifération des copies piratées sur DVD et le prix des billets ont inexorablement raison des salles obscures qui disparaissent sur le continent au rythme d'une par mois. Il n'en resterait que 50, la plupart en Afrique du Sud et au Kenya, quelques-unes au Nigeria dans des centres commerciaux. En Côte d'Ivoire, «le cinéma se meurt, s'il n'est déjà mort», affirme le producteur Roger Gnoan M'Bala. La crise politique qui a coupé le pays en deux, depuis 2002, n'a rien arrangé. Au Sénégal, qui a donné des cinéastes de renom tel Ousmane Sembene, pratiquement toutes les salles ont fermé. «Le Sénégal est devenu un grand écran noir», écrivait, récemment, un hebdo local, ajoutant que de nombreux jeunes n'ont jamais vu un film sur grand écran. Reste le Nigeria, ses 150 millions d'habitants, et son industrie du cinéma débordante depuis 18 ans. Ici, pas question de tourner en coûteux 35 mm, les centaines de films produits chaque année sont réalisés avec des petites caméras digitales. On tourne tellement vite, parfois en un mois, que certains ont surnommé les productions de Nollywood des «films micro-ondes». Selon l'Unesco, Nollywood, est arrivé en seconde position l'an dernier pour le nombre de films tournés devant Hollywood mais derrière l'indétrônable Bollywood indien. «Les Africains regardent désormais plus de films Nollywood que d'Hollywood», affirme le réalisateur et producteur nigérian, Zeb Ejiro. Ce succès continental a été amplifié par la télévision payante sud-africaine MultiChoice qui offre dans son bouquet quatre chaînes continues à contenu 100% africain, dont deux diffusent des films en haoussa et yorouba, deux des principales langues du Nigeria. En Afrique centrale, les productions Nollywood sont les seules vendues sous le label «films africains». Ces films sont doublés en français au Cameroun et au Gabon et passent en lingala à la télévision en République démocratique du Congo. Au Kenya anglophone, Nollywood marche très bien mais subit aussi, la concurrence frontale de Bollywood en raison de l'importante communauté d'origine indienne. Les films nigérians sont tellement populaires en Sierra Leone que selon Thomas Jones, un auteur de pièces radiophoniques, ils sont en train d'asphyxier la petite production locale. Pratiquement personne n'échappe aux histoires sentimentales ou violentes à la nigériane dans la minuscule Gambie, Nollywood s'est imposé comme partout, «devant Hollywood», dit un homme d'affaires nigérian, Barnabas Eset, qui y loue des DVD depuis 2000. On en raffole aussi dans les townships d'Afrique du Sud et pourtant depuis la fin de l'apartheid, l'industrie cinématographique locale progresse. Le film de science fiction Distric 9 de Neill Blomkamp's a même été nominé cette année lors des Oscars d'Hollywood.