Des sources concordantes dans les milieux bancaires et d'affaires rapportent que la corruption s'est élargie aux banques. Pourquoi autant de scandales dans les banques ? Pourquoi des trous aussi énormes ont été rendus possibles ? Un pan du mystère qui entoure de telles opérations frauduleuses vient d'être levé. “La première cause, il faut le souligner, est la corruption (qui s'est élargie aux banques). Le personnel dans les banques publiques est mal payé. Ce facteur est à lier avec la culture de l'impunité qui s'est développée progressivement en Algérie”, confie un responsable bancaire très au fait de la situation de la banque de la place. Ces deux raisons font qu'avec une grande facilité, du bakchich a été versé à des banquiers en contrepartie de feu vert à des opérations frauduleuses de grande envergure. En effet, les détournements cumulés de la BNA et de la Badr correspondent à un trou de 3 000 à 4 000 milliards de centimes, soit l'équivalent de plus 500 millions de dollars. C'est énorme. C'est de quoi construire au moins 20 000 logements sociaux abritant au minimum 100 000 personnes. Des sources concordantes dans les milieux bancaires et d'affaires, de surcroît, confirment que la corruption s'est élargie aux banques. Ce qui appuie le constat du responsable bancaire. En tout état de cause, de fortes présomptions de corruption pèsent sur le milieu bancaire local. Une telle situation qui touche de multiples secteurs et d'institutions sensibles renforce la perception que la corruption a pris une grande ampleur en Algérie, auprès de Transparency International. D'où le classement de l'Algérie, cette dernière année dans les derniers rangs des pays les plus corrompus. Ce qui n'arrange pas l'image de l'Algérie auprès de la communauté d'affaires internationale, en un mot, les investisseurs étrangers et algériens résidant notamment en Europe. Défaillance du système de contrôle des banques : six mois environ pour découvrir une escroquerie La seconde cause, poursuit le banquier, de tous ces détournements, est que les systèmes d'information à l'intérieur des banques sont quasi inexistants. Et si les systèmes d'information sont quasi inexistants, le contrôle ne peut être efficace, en particulier dans les agences et succursales éloignées du siège. Le système d'information à l'intérieur d'une banque, notons-le, revêt une grande importance. Il permet de déceler les infractions, les hemorragies de ressources en dinars ou en devises à temps, avant que l'affaire ne prenne de plus grandes proportions. Ce phénomène lié au système d'information inexistant touche la plupart des banques publiques, ajoute la même source Ainsi, si les systèmes d'information dans les banques sont inefficaces, cela veut tout simplement dire que le système de contrôle de la banque des banques, à savoir la Banque d'Algérie, qui exerce un rôle de supervision sur les établissements bancaires de la place, est inefficace. Le responsable bancaire préconise, pour éviter que se reproduisent de tels détournements, le renforcement des systèmes de contrôle à l'intérieur des banques et la mise en place rapide du système d'information et de télécommunications qui permette de déceler les fraudes en temps réel, c'est-à-dire instantanément. Aujourd'hui, il y a un décalage d'environ six mois, révèle la même source. Il faut tout ce temps pour que l'escroquerie soit enfin découverte en raison de l'absence d'un système de télécommunications à l'intérieur des banques et interbancaire moderne. En conséquence, des responsables bancaires honnêtes ont été mis en cause ou emprisonnés suite à un système de contrôle défaillant des banques. C'est ce qu'on appelle une défaillance institutionnelle. Fausses domiciliations, surfacturations, sociétés fictives : un échantillon des astuces citées pour tromper l'Etat L'ouverture du commerce extérieur a permis à tout le monde de faire des opérations d'importation, a-t-il ajouté. Cette libéralisation sans garde-fou a contribué à la montée de la fraude. L'affaire de fausses domiciliations de Bir El-Ater : un détournement d'environ 20 milliards de dinars à la BDL constitue un exemple de cette ouverture sauvage du commerce extérieur. “On espère que les dernières mesures de juillet dernier resserrant l'accès au commerce extérieur, au profit des professionnels de l'import, des producteurs et excluant en principe les trabendistes pourrait réduire l'ampleur de la fraude.” Fausses domiciliations bancaires, surfacturations, non-paiement des opérateurs étrangers dans le cadre de remises documentaires à travers des sociétés qui disparaissent dès qu'elles reçoivent la marchandise, tel est l'éventail des astuces pour escroquer les établissements bancaires et les fournisseurs, a-t-il ajouté. “L'économie de marché est plus difficile à gérer que l'économie administrée”, conclut le banquier. On n'a pas des systèmes de contrôle en Algérie a posteriori efficaces, la tendance naturelle des pouvoirs publics est de renforcer les contrôles a priori qui malheureusement mènent à un ralentissement des transactions, gênent la fluidité des affaires. C'est la seule arme dont disposent les pouvoirs publics actuellement, pour freiner la fraude, a-t-il argué. La même source souligne l'ingéniosité avec laquelle a pu s'effectuer de tels détournements. Si une telle intelligence était mise au profit du progrès du pays, l'Algérie serait hyper développée, ironise le banquier. N. Ryad