Ses shows détonnent. Fellag met le feu à chaque spectacle. Le dernier chameau projeté à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou ne déroge pas à la règle. Pendant deux heures, le public s'est éclaté sans retenue. Certains ont même pleuré de rire. À l'aise dans son inséparable costume à bretelles, l'humoriste fait une plongée en apnée dans l'Algérie des années 1950-60. Il raconte avec cocasserie des moments de son enfance. Des fragments restitués, notamment pas le truchement du cinéma et les films qui passaient alors dans les salles. La belle époque. Fellag revisite les immortels péplums qui drainaient une marée humaine devant les guichets, comme spectateurs. À partir d'un extrait de La guerre de Troie en compagnie de Sylvia Koscina et de Stève Revers, Fellag reconstitue l'ambiance d'une séance de cinéma à Tizi Ouzou. Les clameurs du film, le brouhaha dans la salle, le vendeur de cacahuètes, le commentaire du match de football de la JSK qui fuse de la cabine de projection enflammant l'assistance. Il y a aussi la frustration d'une jeunesse aux abois, le mal-être, les films interdits aux moins de 18 ans. Débordant de talent, Fellag décrit d'autres scènes. Il se remémore la colonisation et témoignera des premières années de l'indépendance. D'un verbe incisif et parfois osé, le comédien se “moque” de son époque. Tout y passe. Sans censure. C'est peut-être le secret de sa réussite. Né en 1950 à Azeffoun, la ville des artistes, il étudie les arts dramatiques et se produit dans de nombreux théâtres nationaux au cours des années 1970. Il lance en 1986 son premier spectacle Les aventures de Tchop. D'autres suivront. Septembre 1993, Fellag est nommé directeur du Théâtre régional de Béjaïa. 1995, le terrorisme frappe fort. Beaucoup d'intellectuels seront ciblés. Fellag s'exile en France. Cette aventure lui servira de tremplin pour se lancer dans son métier. C'est là-bas qu'il écrit Djurdjurassic Bled, pièce comique analysant la société algérienne. Fellag rencontre un énorme succès populaire outre-mer. Entre 2000 et 2002, il a donné 330 représentations en France. Humoriste et écrivain, il a reçu le grand prix Raymond-Devos de la langue française le 17 mars 2003. Artiste polyvalent, l'auteur de Babor l'Australie est également acteur de cinéma. Il a joué dans plusieurs films. Liberté, la nuit de Phillipe Garel (1983), Le gône de Chaâba de Christophe Ruggia (1998), Inch'Allah de Yasmina Benguigui (2001), Fleur de sang de Myrian Mézières (2002), Momo Mambo de Leïla Marrakchi (2003) et Michou d'Auber de Thomas Gilou dont la sortie est prévu en 2006. Il a écrit Djurdjurassic Bled (textes de scène), Rue des petites daurades (roman), Comment réussir un bon couscous, Le dernier chameau et autres histoires (nouvelles). A. T.