Les colons ont trouvé une Algérie dévastée… par une expédition de conquêtes. Vivant au cœur d'une véritable crise, la classe politique française, la veille d'importantes échéances électorales, semble avoir recouru à une thérapie de “choc” à la suite d'un diagnostic qui est passé à côté de la véritable maladie qui gangrène la société française à savoir l'exclusion. Mardi dernier, en début de soirée, la salle des actes du Centre culturel français de Constantine s'est transformée en une tribune de dénonciation de la loi du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme. Le rejet du texte est venu, cette fois-ci, de deux personnalités censées, schématiquement, faire partie de la population la plus concernée par les termes de la loi, soit les pieds-noirs. Georges Morin, pied-noir de Constantine, maire adjoint de Gières dans l'Isère et président de l'association Coup de soleil ainsi que Jacques Ferrandez, pied-noir d'Alger, bédiste de renommée et spécialiste de la BD d'histoire, ont, tour à tour, dénoncé l'exploitation machiavélique d'un drame de l'histoire par des politiques en mal de voix et de voies. Pour Georges Morin, qui est aussi inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, “dire aux enseignants, ce qu'ils doivent enseigner, soit le côté positif de la colonisation, est inconcevable. L'état n'a pas à imposer une lecture de l'histoire”. Pour les deux conférenciers, qui étaient à Constantine pour la présentation de leurs dernières œuvres, “L'Algérie” (pour Georges Morin) et “La fille de Djebel Amour” (Pour Jacques Ferrandez), le fond de la loi est loin d'interpréter un fait de société ou une préoccupation d'un segment de la population française soit les pieds-noirs. Ces derniers, à l'instar de la majorité des Français et de toute l'humanité, et “pour le cas de l'Algérie, voient dans la colonisation un fait historique à la base condamnable”. “La colonisation n'a rien de positif. Mais c'est un fait historique et il vaut mieux regarder vers l'avenir. Toutefois, si, d'un autre côté, il faut condamner la colonisation, il faut le faire sans peser le poids de la responsabilité à des victimes de la tragédie tels les pieds-noirs”, explique G. Morin. Sur la mission civilisatrice de la colonisation, ce dernier enchaîne “les colons qui sont venus après la conquête, qui a duré de 1830 à 1850, ont trouvé certes un pays dévasté, mais par deux décennies de conquête”. Et là-dessus, il rejoint des acteurs algériens de la guerre de décolonisation quand il propose : “Alors, à la place d'effets positifs, il faut plutôt parler de butin de guerre comme l'a si bien expliqué feu M'hamed Yazid”. Interrogés sur les positions de certaines associations de pieds-noirs, les deux intervenants replacent ces entités à leurs justes dimensions. “à mon avis, ces associations ne sont représentatives qu'à plus de 5% de la population des pieds-noirs”, explique G. Morin. Sans entrer dans le détail, ce dernier termina sa plaidoirie contre la loi du 23 février par un appel de cœur pour un traitement, des deux côtés, avec courage et sérénité, des séquelles d'une tragédie qui a commencé par un acte ignoble, soit la colonisation. “Il faut qu'on ait le courage de tout mettre sur la table”. Alors, si même les pieds-noirs dénoncent la loi du déshonneur, à qui profite la bêtise du 23 février 2005 ? MOURAD KEZZAR