Que les Irakiens se soient déplacés en foule pour les élections d'une Assemblée nationale, où il n'était permis qu'aux composantes supplétives de la coalition anglo-saxonne de “concourir”, ne changera rien à l'affaire. Les hurlements des suppliciés des prisons secrètes n'horrifieront pas davantage la conscience universelle demain qu'ils ne l'avaient horrifié hier lorsque fut découverte la fameuse centrale de torture d'Abou Ghraïeb. Une stratégie délibérée Pour pouvoir témoigner de l'innommable, le général irakien Mountadhar Smaraï, commandant des forces spéciales au ministère de l'Intérieur, a dû s'enfuir en Jordanie. Irréfutable, car émanant d'un homme qui a accepté de collaborer avec l'occupant, ses déclarations étalent au grand jour la stratégie mise en place par les officines racistes et néocolonialistes qui manipulent le président américain G. W. Bush. Cette stratégie consiste à morceler le monde arabe en une multitude de micro-Etats confessionnalisés et à y entretenir un climat de haine et de guerres religieuses. En somme, un alignement de bantoustans, à l'image de Gaza, cette portion de Palestine, à la souveraineté limitée à la police intérieure, dont le rôle est de fournir les listes des moutons noirs non encore domestiqués. Le terrorisme et la torture sont les instruments de cette domestication. Ses têtes pensantes sont rassemblées dans la New Life Church, une sorte de factorerie intégriste chrétienne de Colorado Springs (Etats-Unis), dont les principaux idéologues se trouvent être des conseillers de G. W. Bush. Les comptes du passé Après que le “scandale” d'Abou Ghraïeb, au printemps 2004, eut été dévoilé à l'opinion publique : le côté peu ragoûtant des méthodes anglo-saxonnes et leurs pratiques systématiques de la question, il fut décidé en quelque sorte de sous-traiter cette… question, qui faisait un peu désordre dans la démarche civilisatrice des Occidentaux envers les indigènes, réfractaires aux lumières que l'on voulait leur dispenser : la démocratie, les droits de l'homme, la liberté, et tutti quanti. C'est alors que l'on décida de confier aux miliciens, venus de l'Iran voisin, la sale besogne. Ceux-ci ne se faisaient pas prier, pressés qu'ils étaient, de solder les comptes du passé. On commença par liquider tout simplement les anciens pilotes de l'armée de l'air irakienne. Plusieurs dizaines d'entre eux périrent dans des assassinats ciblés. Des centaines d'anciens officiers furent également enlevés et retrouvés morts. Puis l'on arrêta, par brassées, tout ce qui pouvait ressembler à un sunnite récalcitrant. Les musulmans de ce rite étant censés couvrir à eux seuls toute l'étendue de la résistance à l'envahisseur. Et, sous prétexte de rechercher les “terroristes”, l'on terrorisa la population, notamment les habitants de villes ou de régions où la résistance est la plus soutenue. Plusieurs centres de tortures sont ouverts sur l'ensemble du territoire irakien et confiés aux phalanges chiites. Le général Smaraï en a visité une dizaine, où s'entassaient plusieurs milliers de détenus, tous torturés ! Son témoignage, recueilli par un reporter de l'hebdomadaire français Marianne, fait froid dans le dos. Le côté torture tranquille qui en ressort donne une idée terrifiante de ce qui s'est passé dans le sillage des Marines yankees et des commandos blairistes. Personne ne peut croire que la brigade fasciste chiite Badr, qui a massivement investi le ministère de l'Intérieur, agit sans le consentement des forces d'occupation et la bienveillance minimale de la CIA et du M6 britannique. Mohamed Benelhadj