“Vous voyez bien que ce n'est pas un mirage.” Cette célèbre réponse est du défunt Houari Boumediene, quelques mois avant sa disparition, à Paul Balta, son ami et néanmoins journaliste alors au quotidien Le Monde dont il tapa l'épaule lors de l'inauguration de la transsaharienne, cette route qui relie le Nord à l'extrême sud du pays. Le défunt président répliquait ainsi à son ami qui l'interpellait… quelques années plus tôt lors de la pose de la première pierre si le projet n'était pas… un mirage. Il n'y a pas que cette réplique qui a été immortalisée par le défunt président dont nous célébrons le 27e anniversaire de la disparition. Des arabes, notamment des Saoudiens, il disait que c'était “des tonneaux de pétrole et des caisses d'or”. Loin d'être exhaustives, ces citations révèlent, confusément certes, les divers aspects de la personnalité de Houari Boumediene. éloquent, autoritaire et fier, peut-être mégalomane pour certains, Houari Boumediene restera sans conteste l'homme politique qui aura marqué de son empreinte toute une génération d'algériens. Il est vrai que le contexte de l'époque, un pays qui se construisait au sortir d'une guerre, l'analphabétisme, la pauvreté de la population et la guerre froide, était de nature à fabriquer des “légendes”. Mais ceci n'en diminue en rien l'homme qui a sans doute su se construire une aura grâce à la maîtrise des enjeux de son temps. Doit-on rappeler qu'il était le premier à avoir parlé en langue arabe à l'ONU ? Ou encore d'avoir prédit que le Shah d'Iran sera balayé par les intégristes musulmans sans que l'Amérique, amie alors du Shah, ne lève la main ? Mais à près d'une trentaine d'années de “distance”, il apparaît, aux yeux de nombreux historiens, mais aussi politiques et observateurs que son règne était marqué par un certain volontarisme et populisme. Sans plus. Les “révolutions” engagées, comme “la révolution agraire”, se sont révélées comme des “échecs”. Cela sans compter la fermeture du champ politique et médiatique et la mise à l'écart de nombreux opposants. Toutefois, il s'en trouve toujours ceux qui restituent la politique du défunt et son règne dans son contexte originel. Invité, hier, pour une conférence au siège d'El Moudjahid à Alger consacré pour l'événement, l'ancien chef du gouvernement, Smaïl Hamdani, a indiqué que pour “mieux cerner la stratégie politique du président Boumediene, nous nous devons de réfléchir sur la situation de l'après-indépendance qui a été marquée par la pauvreté, l'analphabétisme et une expérience naissante de gouvernance après 130 ans d'occupation”. “La priorité pour lui étant de construire un état fort en se basant sur les richesses nationales, notamment les minerais et les hydrocarbures”, a-il dit. “Le défunt Président, ajoute M. Hamdani, était convaincu de "la nécessité de réaliser le développement économique global et équitable à travers l'encouragement de la politique d'industrialisation et le soutien du secteur agricole. Il a ainsi mis au point plusieurs plans économiques visant la relance du développement et la consécration de l'équilibre régional.” Sur le plan international, M. Hamdani a évoqué les positions du président Boumediene en faveur des mouvements de libération à travers le monde et la défense de leur droit à l'autodétermination, soulignant son souci d'établir des liens de fraternité, d'amitié et de bon voisinage avec les pays arabes et occidentaux. Mais au-delà des avis des uns et des autres sur l'homme et son parcours, l'image que gardent les nostalgiques des années 60-70 est celle du président perçu comme le “père du pauvre”. KARIM KEBIR