Depuis quelques années, en raison de la fermeture du marché de l'emploi, nombreuses sont les familles qui se sont lancées dans les métiers traditionnels. À Frikat (daïra de Draâ El Mizan), ces opportunités sont disponibles. La gent féminine constitue la frange la plus active. Il y a d'abord celles qui roulent le couscous pour les petites fabriques de la localité. “Dieu merci, avec ces mains, moi et mes filles nous gagnons humblement notre vie. Nous n'avons pas besoin de demander de l'aumône”, telles sont les paroles avec lesquelles nous a accueillis na Melkheïr dans sa courette devant ces plats de couscous prêts à être destinés vers l'une de ces maisons fabriquant des pâtes alimentaires traditionnelles. Effectivement, ces femmes, comme des fourmis, ne baissent pas leurs bras en dépit de toute leur fatigue. Interrogée sur ce qu'elle gagne de ce travail, notre interlocutrice nous répondra par ces termes : “Notre dignité d'abord. Et puis, il ne faudra pas oublier le côté culturel. Vous savez, même des étudiantes, qui sont pourtant à l'université, s'intéressent à rouler du couscous. D'ailleurs, elles sont adroites comme des vieilles.” Dans la plupart des villages de Frikat, à chacune son métier. Lors de notre virée, nous avons fait connaissance avec des tisseuses et des potières. Pour les premières, elles n'ont pas besoin de machines modernes. Elles recourent aux instruments les plus traditionnels. Devant son métier à tisser, na Tassaâdit, au village dit Les Sbargoud, une tisseuse, nous a fait cette révélation : “avec mes deux filles, nous avons renoué avec le tissage du burnous, notamment depuis la disparition tragique de mon mari. Certes, ce n'est pas facile lorsque l'on connaît le prix de la laine et de tous les autres accessoires. On n'arrive tout de même pas à joindre les deux bouts.” Si beaucoup de femmes ont repris cette activité ce n'est pas surtout pour réhabiliter ce métier oublié dans nos villages mais c'est plutôt pour gagner leur vie en ces temps des vaches maigres. Dans la localité de Frikat, elles sont nombreuses à embrasser cette activité. D'ailleurs, certaines d'entre elles écoulent ces effets vestimentaires vers d'autres régions du pays. Plus loin, dans un autre village, nous avons fait connaissance avec des potières. Tout comme au temps de l'écrivain Mouloud Feraoun, ces femmes vont chercher de l'argile à des kilomètres de leur village. Ce qui est intéressant est que cet ouvrage est réalisé de la manière la plus originelle possible. “Nos poteries sont trop demandées”, nous a lancé l'une de ces femmes courageuses qui bravent la peur pour aller à la recherche de la matière. Interrogée, la doyenne des potières (80 ans), se rappelle : “En Kabylie, une femme qui n'a pas à son actif un objet de poterie reste incomplète. Car, il faudra apprendre à équiper sa nouvelle demeure d'ustensiles fabriqués par soi-même. C'était à l'âge de 12 ans que j'avais réalisé mes premières poteries : un plat, une jarre et une cruche.” La poterie de Frikat arrive à Mechtras, aux Ouadhias et à Bouira. De leur côté, les hommes qui ne sont pas employés dans les entreprises locales ont trouvé le moyen de bénéficier de terrains dans la zone agricole de montagne créée par le projet de la concession des terres de l'Etat. Dans cette zone, les agriculteurs exploitent des arbres plantés et réalisés dans ce programme. Dans cette commune rurale, les habitants prennent de nombreuses initiatives pour peu que les pouvoirs publics leur viennent en aide. De telles activités porteuses de marques culturelles devraient, en principe, être encouragées par la direction de l'artisanat. Cette revalorisation passe donc par la prise en charge, notamment en ce qui concerne la promotion des articles fabriqués par toutes ces femmes. O. GHILÈS