Le Koweït était hier dans l'attente d'une solution entre les Al Sabah. Le nouvel émir, qui devrait prêter serment aujourd'hui, risque de se voir débouter par le Parlement, saisi par le Premier ministre et homme fort de cet émirat pétrolier. Un autre septuagénaire conteste l'ordre de la succession, parce que le prince héritier désigné par l'émir avant son décès est frappé d'un handicap. Il est malade, argue-t-il, sans rien à redire sur son âge très avancé. L'histoire des Al Sabah est émaillée de crises à propos des princes désignés pour conduire le pays, même si la dynastie est toujours parvenue à régler ses successions en douceur. Derrière le transfert pacifique du trône, toute une histoire faite de déchirements et de révocations à l'étranger. En réalité, ça n'a jamais été aussi rose que ne le prétendent les porte-parole des Al Sabah. Alors qu'auparavant, la question était réglée dans les coulisses, le Premier ministre, Al Sabah Abdallah, prince de la dynastie, brise le tabou en demandant au Parlement de destituer cheikh Saâd, l'héritier désigné, devenu émir à la mort, le 15 janvier dernier, de cheikh Jaber, s'il se refusait à abdiquer. Le gouvernement qu'il dirige est en total accord avec l'exigence du prince. Loin de se soumettre, l'émir désigné avait obtenu du Parlement qu'il se réunisse aujourd'hui en session extraordinaire pour l'adouber. Le jeu n'est, cependant, pas acquis pour le prince désigné dont la santé est défaillante, selon ses détracteurs au sein de sa propre dynastie. Les jeunes de la famille, qui tient le pays depuis trois siècles, estiment le temps venu pour eux de prendre la place des vieux qui trônent. Dès le début, les dirigeants des Al Sabah ont légué le trône au plus âgé de leurs descendants de sexe masculin. Cette règle changea avec l'arrivée au pouvoir de Moubarak Al Kabir, qui limita l'accession au trône à ses propres descendants, et non plus à tous les membres de la dynastie ! Le nombre des descendants de sexe masculin de Moubarak est actuellement estimé à quelque 400, sur les plus de 1 200 hommes que compte la famille Al Sabah. En 1962, un émir de la dynastie introduit un zest de démocratie mais sans pouvoir toucher à la question de la succession. L'émir reste seul habilité à nommer son prince héritier. Cheikh Jaber devait innover en demandant à la famille de choisir entre trois candidats, dont Saâd et Sabah, qui s'affrontent aujourd'hui pour le pouvoir. La famille avait choisi Saâd, qui avait ensuite été nommé Premier ministre, cumulant sa fonction avec celle de prince héritier jusqu'en 2003, lorsque son état de santé amena le prince Jaber à le remplacer par Sabah à la tête du gouvernement. Avec le pétrole, qui fit du Koweït un pays richissime, les membres de la famille régnante devaient se contenter des prébendes et affaires concédées par les princes régnants. La fortune des Al Sabah est estimée à des dizaines de milliards de dollars. Mais le deal est apparemment rompu. L'épilogue tombe aujourd'hui. Qui l'emportera entre les deux septuagénaires ? D. Bouatta