Il nous arrive, parfois, quand un accident nous inspire, de nous demander ce qui arriverait si un Erika ou un Prestige venait à échouer au large de nos côtes. Nul ne sait si ce cas est envisagé par les autorités mais il serait étonnant qu'un gouvernement qui improvise devant les affaires courantes puisse anticiper sur une catastrophe écologique. Bien sûr, quel que soit l'impact du naufrage de Tipasa, le mérite reviendra, en dernier ressort, aux services qui auront tous “énergiquement réagi à la situation'' créée par le naufrage. Le plan Orsec a naturellement été déclenché, sans qu'on sache s'il s'agit de celui de la wilaya, du gouvernement, de la Protection civile, de la marine, etc. A première vue, l'imprévu n'a rien de tragique, puisque la quantité d'hydrocarbures libérée par le bateau n'est pas de nature à constituer une grave menace écologique. Mais du fait qu'elle survient dans une région dont la pollution est déjà bien avancée, elle aggravera certainement le niveau de salubrité de la côte ouest algéroise. Ce sera tout de même l'occasion, pour une société dont l'insouciance écologique n'a d'égal que le mépris de ses dirigeants pour la nature, de faire la fine bouche sur la question de défense de l'environnement. Une fois n'est pas coutume : nous aurons, pour quelques jours, droit au partage d'une des grandes préoccupations actuelles du monde développé : la protection des mers et des côtes contre les risques que présentent les transports maritimes. C'est presque un symbole que ce bateau ait échoué au large de Tipasa. Un cas de vandalisme écologique et patrimonial que cette ville. L'Etat algérien a, dans la gestion de l'espace de Tipasa-ville, comme dans le traitement de l'espace qui l'entoure, fait preuve d'irresponsabilité. La ville de Tipasa comporte de véritables verrues urbanistiques qui ont nécessité la destruction de précieux sites. Le scandale foncier dit de la ‘'cité des Artistes'' à Zéralda, le prochain sacrifice des terres agricoles autour de Club-des-Pins, entre autres, sont autant de signes qui attestent du royal mépris de la République envers la notion d'environnement. Ce ne sont pas les accidents qui entravent le progrès, c'est l'incapacité de se donner des principes de développement ordonné qui mettent en péril le contexte de demain. Nous n'avons pas pu prévoir l'impact d'un déluge de deux heures sur Alger, et encore moins le prévenir. Si un accident maritime, sans pertes humaines, peut nous faire découvrir l'urgence écologique, qu'il soit le bienvenu. Et puis peut-être que, pour une fois, nous verrions, les officiels ‘'riverains'' nettoyer, mains gantées et pieds bottés, la plage tant appréciée de Club-des-Pins. M. H.