Le président du Parlement libanais Nabih Berri, chef du mouvement chiite Amal, a appelé hier les avions et navires arabes à ignorer le blocus aérien et maritime imposé au pays du Cèdre par Israël, qualifié d'« agression militaire », a rapporté l'Associated Press. Au cours d'une séance spéciale du Parlement, son président a proposé une série d'actions de protestation pour attirer l'attention du monde sur ce blocus, qui est toujours en vigueur malgré le cessez-le-feu qui a mis fin aux combats le 14 août. « C'est une agression militaire qui constitue une attaque à la souveraineté nationale et une violation claire de la résolution 1701 », a-t-il ajouté. Le Parlement compte écrire aux gouvernements arabes pour les appeler à ignorer le blocus, et encourager ceux qui ont des relations diplomatiques avec Israël à les réduire, ainsi que les relations commerciales. « Nous ne demandons pas la rupture des relations diplomatiques, mais au moins le retrait des émissaires et l'arrêt ou le gel des liens économiques avec Israël tant que le blocus du Liban continue », a poursuivi Nabih Berri, proche du Hezbollah. Le président du Parlement a organisé hier un sit-in de députés pour protester contre ce blocus : les élus comptent se relayer pour rester en continu dans les locaux du Parlement jusqu'à la levée du blocus. L'Etat hébreu a repoussé tous les appels, affirmant qu'il ne lèverait son blocus qu'une fois que les frontières du Liban seront sécurisées pour empêcher toute livraison d'armes au Hezbollah. Pour l'instant, seuls les vols commerciaux jordaniens et libanais peuvent se poser à Beyrouth, via Amman. La marée noire, sérieuse menace Une marée noire « effroyable », selon Yaacoub Saaraf, le ministre libanais de l'Environnement. Jusqu'à présent, les grands accidents écologiques ont eu lieu dans les océans, c'est la première fois qu'une marée noire se produit dans une mer fermée. La situation est comparable à celle de l'Erika sauf que la capacité de régénération de l'océan Atlantique est de loin supérieure à celle de la mer Méditerranée, petite et fermée. Les dégâts subis par l'écosystème dureront des décennies. La faune sous-marine est empoisonnée, certaines espèces sont même menacées de disparition. La marée noire qui frappe une partie du littoral libanais, suite à l'agression israélienne, visant la centrale électrique de Jiyeh, à 20 km environ au sud de Beyrouth, provoque une pollution marine incontestable dans une région déjà vulnérable. En effet, la Méditerranée est une mer particulièrement fragile, surtout dans sa partie orientale. Son réchauffement a été très largement attesté par les scientifiques, ce qui fragilise la faune et la flore, et rend l'impact de la pollution humaine, comme une marée noire, beaucoup plus fort qu'en Atlantique ou ailleurs. D'après les autorités libanaises, environ 130 km de côtes ont été souillés par 10 à 35 000 t de carburant qui se sont déversées dans la mer. Selon le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE), basé en France à Brest, le carburant répandu, un intermédiaire entre le fioul, très lourd, et le diesel, est moins visqueux que celui déversé par les pétroliers Erika (en 1999, au large de la Bretagne) et Prestige (en 2002, au nord-ouest de l'Espagne). « Mais en vieillissant, il va devenir plus visqueux, plus collant et donc plus difficile à ramasser sur les rochers », prévient Georges Peigné, directeur adjoint du Centre. Il faudra au moins une année et des dizaines de millions de dollars pour nettoyer les plages et les rochers maculés de fioul où des poissons mazoutés viennent s'échouer. La propagation de cette catastrophe écologique ne s'est pas faite attendre, une marée noire est apparue au large des côtes syriennes, sur près de 80 km de côtes, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), couvrant notamment le port historique de Byblos. Chypre, la Turquie et même la Grèce ne sont pas en reste et sont susceptibles d'être touchés, selon des informations du Toronto Star. L'Algérie, Chypre, la Commission européenne, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Italie, Malte et la Syrie ont proposé leur assistance suite à une demande de soutien lancée aux Etats-parties à la Convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution. Le REMPEC a officiellement placé son unité d'assistance méditerranéenne en alerte et se prépare à une mission d'expertise dans la zone affectée. Karima Menoueri Deux milliards de dollars d'aide L'aide d'urgence au Liban atteint désormais 2 milliards de dollars, en ajoutant à la somme de 1,2 milliard réunie lors de la Conférence de Stockholm, les contributions de l'Arabie Saoudite et du Koweït, a indiqué hier le ministre libanais de l'Economie, Jihad Azaour. « Les engagements de l'Arabie Saoudite (500 millions de dollars) et du Koweït (300 millions), pour une aide d'urgence destinée à réparer les dégâts directs, ne font pas partie des sommes annoncées à Stockholm », a rappelé le ministre, cité par le quotidien pro-gouvernemental Al Mostaqbal. En tenant compte de ces sommes, le total de l'aide d'urgence s'élève à quelque 2 milliards de dollars, sans compter les contributions privées, alors que le coût de la réparation des dégâts directs (infrastructures et habitations) causés par les bombardements israéliens a été estimé à 3,6 milliards de dollars. La communauté internationale s'était engagée jeudi à Stockholm sur une aide de 940 millions de dollars, s'ajoutant à diverses contributions précédentes pour totaliser 1,2 milliard. Les principaux contributeurs à Stockholm ont été le Qatar avec 300 millions de dollars, les Etats-Unis (180 M USD), le Fonds monétaire international (112 M USD), le Fonds monétaire arabe (122 M USD), l'Union européenne (91 M USD), les Emirats arabes unis (50 M USD), l'Espagne (34,5 M USD), l'Italie (38 M USD), l'Arabie Saoudite (30 M USD), la France (25 M USD, ce qui porte le total de son aide à 50 M USD), la Suède (20 M USD), selon une source gouvernementale, citée par Al Mostaqbal. Outre leur participation directe, l'Arabie Saoudite et le Koweït ont prévu une aide sous forme de dépôts à la Banque centrale pour soutenir la livre libanaise. Cette aide s'élève à un milliard de dollars pour l'Arabie Saoudite et 500 millions de dollars pour le Koweït. Le chef du service d'espionnage allemand à Beyrouth Le chef du service d'espionnage allemand (BND), Ernst Uhrlau, est arrivé vendredi soir à Beyrouth dans le cadre d'une mission, a annoncé l'agence officielle d'information ANI, reprise par l'APS. M. Uhrlau a été reçu à l'aéroport international de Beyrouth par l'ambassadeur d'Allemagne au Liban, Marius Haas, a ajouté ANI. M. Uhrlau, 59 ans, s'était illustré en janvier 2004 par son rôle de médiateur entre Israël et le Hezbollah. Sa mission avait alors abouti à un échange de prisonniers organisé sur le sol allemand. Le mouvement de la résistance libanaise avait libéré un homme d'affaires israélien et rendu les restes de trois soldats de l'armée israélienne. En échange de quoi, Israël avait libéré plus de 400 prisonniers. Mardi à Berlin, la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, avait appelé l'Allemagne à user de son influence sur le gouvernement libanais pour faire libérer les soldats israéliens capturés par le Hezbollah, le 12 juillet dernier, sur le sol libanais. Débarquement italien à Tyr Des soldats italiens ont débarqué hier à Tyr, au Liban-Sud, dans le cadre d'une ambitieuse mission de l'ONU destinée à garantir un cessez-le-feu à la frontière avec Israël. Cinq zodiacs sous pavillon italien, avec sept soldats à bord chacun, ont accosté à 7h30 (4h30 GMT) sur la plage d'un hôtel de la ville, le Rest House, entamant le premier renforcement important depuis près de 30 ans de la présence internationale dans cette région troublée. Ce premier groupe, survolé par deux hélicoptères, a été accueilli par des Casques bleus italiens de la Force intérimaire des Nations unies (Finul), déployée entre le Liban et Israël depuis 1978. Cette avant-garde doit être suivie par des centaines d'autres soldats. « Il s'agit d'une unité de reconnaissance. Ils vont contrôler les plages, les fonds marins, les routes, avant que le gros des troupes ne débarque », a indiqué à un porte-parole militaire italien, le lieutenant Federico Mariani. Plus tard, une centaine de soldats ont été transportés par hélicoptères jusqu'au Rest House, un vaste complexe balnéaire en bord de mer. Un bâtiment de guerre et quatre chalands de débarquement étaient visibles à 2 km de la côte. En tout, 878 soldats du régiment San Marco, une unité d'élite de fusiliers marins, devaient débarquer hier, selon la Finul, et ils seront suivis dans 10 jours de 120 autres militaires. Ils seront soutenus par 132 véhicules à roues, 16 engins à chenilles et 10 véhicules d'attaque blindés. « Ils vont se déployer à l'est de Tyr, au sud du fleuve Litani », a précisé le lieutenant Mariani. « Nous ne nous attendons pas à des problèmes parce que nous sommes là en mission de paix et que le peuple libanais est un peuple pacifique », a-t-il ajouté. Cinq navires de guerre italiens, dont le porte-aéronefs Garibaldi, croisent au large du Liban, avec à leur bord quelque 2500 soldats italiens. 1500 soldats doivent, pour le moment, rester à bord des navires. Au bout d'un processus de déploiement en deux phases, étalé sur quatre mois, l'opération Leonte (Litani, en italien) prévoit que le contingent italien comptera 2450 soldats sur le terrain, soit la contribution la plus importante de la nouvelle force internationale. Le débarquement italien d'hier marque le véritable lancement de la mobilisation militaire internationale destinée à garantir la paix au Liban-Sud après l'établissement le 14 août d'un cessez-le-feu. Le renforcement de la Finul est prévu par la résolution 1701 de l'ONU, votée le 11 août dernier. Elle envisage le déploiement de milliers de soldats étrangers aux côtés de l'armée libanaise dans cette région, où l'Etat central n'a jamais été en mesure d'imposer son autorité depuis près de 40 ans.