Les industriels ont soulevé la question de l'inaccessibilité des marchés européens aux produits algériens. Les trois usines de l'Enasucre sont fermées. 1 000 ouvriers sont en chômage. C'est une des conséquences de l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'UE, dont le premier bilan a été au centre des débats organisés mercredi à l'hôtel El-Aurassi par le Club Excellence Management, animé par le ministre du Commerce, M. El-Hachemi Djaâboub, et le directeur général des douanes, M. Sid-Ali Lebib. Le débat a été passionnant ; si certains industriels algériens et le gouvernement estiment “avantageux” les premiers effets induits par la mise en œuvre, depuis le 1er septembre dernier, de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne, d'autres rappellent, à juste titre, encore une fois que l'accord est en déséquilibre en faveur de l'Union européenne. “Pour nous les opérateurs économiques qui sommes sur le terrain, nous répétons encore aujourd'hui que cet accord est en déséquilibre en faveur de l'Union européenne”, souligne le patron de Cevital en s'interrogeant si “réellement notre gouvernement aujourd'hui favorise la production nationale ou bien les importations”. Le patron du groupe Cevital ne partage pas les affirmations du ministre du Commerce, lequel soutient que “le système Fifo (premier arrivé, premier servi) adopté dès l'entrée en vigueur de l'accord n'a pas posé de problème pour le commerce interne algérien. Nous avons géré les quatre premiers sans aucun problème majeur”. Le président-directeur général de Cevital donne l'exemple des unités de l'Enasucre actuellement fermées. “Cevital continue de travailler parce que nous sommes performants. Nous n'avons aucun problème”, argumente M. Issad Rebrab. Le patron de Cevital reconnaît qu'au niveau douanier, “cela s'est très bien passé. La douane s'est très bien préparée”. Ce qu'il regrette, c'est l'absence de réciprocité en matière de concession, notamment sur certains produits. Citant le sucre, M. Issad Rebrab explique que la Communauté européenne a le droit d'exporter 150 000 tonnes de sucre à 0% de droit de douane. En outre, la Communauté européenne subventionne le sucre à plus de 70%. “Il y a dumping, interdit par l'accord lui-même si on devrait vraiment l'appliquer à la lettre”, précise le patron de Cevital. L'Algérie, qui devrait devenir, d'ici la fin de l'année, exportatrice de sucre ne pourra pas placer son produit sur le marché européen, non pas parce que le produit n'est pas exportable, mais parce que l'Europe protège ses producteurs, ses industriels et son agriculture par une taxe spécifique de 400 euros la tonne, équivalent il y a quelques mois à 200%. Par ailleurs, alors que le sucre produit fini, dans le cadre de l'accord, est taxé à 0%, la matière première, le sucre roux, lui, est taxé à 5%. Les doléances du patron de Cevital pour la suppression de cette taxe n'ont pas abouti, en dépit des promesses reçues. Le ministre du Commerce, qui juge la demande légitime, révèle que 7 propositions ont été faites au niveau de l'APN pour ramener les droits de douane appliqués au sucre roux à 0%. Cependant, ces propositions, semble-t-il, ont été rejetées en raison de l'article 123 de la Constitution qui oblige chaque député qui propose une diminution de taxe de prévoir un moyen de compensation. Reconnaissant aussi que les pratiques tarifaires européennes, qui ne trouvent pas de réciprocité du côté algérien, entrent dans le chapitre du dumping, M. Djaâboub affirme qu'un “décret pour lutter contre le dumping est en cours de maturation”. Concernant le système Fifo, M. Rebrab explique que ce système a provoqué un rush, du moins sur les quotas du sucre, qui l'a fait grimper de 30% en une semaine. “Cette augmentation, malheureusement, a profité aux exportateurs européens, mais pas aux Algériens”, souligne-t-il. Le patron de Cevital, qui dit “soutenir le gouvernement et sa signature”, plaide pour une application intelligente “pour que cela fasse moins mal à la production nationale”. Les opérateurs algériens, précise le patron de Cevital, ne sont pas contre l'ouverture. Ce qu'ils demandent, c'est que le gouvernement algérien applique les mêmes méthodes que celles des autres pays du monde. “Aujourd'hui, les pays développés, les Etats-Unis et l'Europe, pourtant membres de l'OMC, défendent certains pans de leur économie. Il faut utiliser le même moyen. Il faut simplement copier ce que font les pays développés”, souligne-t-il. Le manque à gagner pour la douane a atteint seulement 1,8 milliard de DA L'entrée en vigueur, le 1er septembre 2005, de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne (UE) n'a pas perturbé le marché algérien ni affecté les recettes douanières, précise pour sa part le directeur général des douanes, M. Sid-Ali Lebib. “Quatre mois après l'entrée en vigueur de l'accord avec l'UE, il n'y a pas eu de rush ni de perturbation du marché algérien. C'est un bon signe. Cela prouve que nous avons un marché qu'on ne peut pas déstabiliser avec un accord”, soutient M. Lebib. Il a indiqué, à ce propos, que le manque à gagner en matière de recettes douanières imputables aux concessions tarifaires de cet accord a atteint seulement 1,8 milliard de DA entre le 1er septembre et le 31 décembre 2005 par rapport à la même période de 2004. La baisse des recettes en droits de douanes est estimée à 21,8%, celle de la TVA 16,2% alors que pour les autres taxes, la baisse est de 42,7%. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord, 107 produits agricoles, pour le quota de 2005, sont concernés par la procédure des contingents tarifaires à 0%. 44 produits ont vu leurs quotas épuisés (41,12%). Il s'agit principalement du sucre, de la margarine, des levures vivantes et des pruneaux. Les quotas du sucre et de la bière ont été épuisés en 12 jours. Trente-sept produits ont leurs quotas entamés à plus 50% ; il s'agit, entre autres, des légumes secs et vaches laitières (34,6%). 26 produits contingentés n'ont pas été sollicités. Il s'agit, entre autres, des bovins reproducteurs de race pure, des viandes et les abats comestibles du coq et de la poule… Soulignant la complexité de l'élaboration des certificats d'origine, le patron des douanes a annoncé qu'une rencontre maghrébine est prévue entre le 29 et le 31 janvier à Alger pour “l'adoption des règles d'origine commune entre l'Algérie, la Tunisie et le Maroc”. Des avis partagés “Près de la moitié des industriels (46% des réponses tous secteurs confondus), estime avantageux les premiers effets induits par la mise en œuvre de l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne (UE), 18% sont plutôt d'avis contraire”. c'est ce que révèle une enquête d'opinion réalisée par l'observatoire de l'information économique du Forum des chefs d'entreprise. 36% affirment n'avoir “pas d'avis à donner sur la question pour le moment” et estiment que les effets de l'accord “ne se manifesteront de manière significative que plus tard”. Dans deux secteurs, les industries agroalimentaires et les matériaux de construction, les chefs d'entreprise semblent les moins satisfaits. Les industries les plus représentées dans l'enquête sont celles de la chimie avec 29% des réponses, des industries agroalimentaires (24%), des matériaux de construction ou faïencerie (18%), des industries du papier et bois (12%). Seulement 6% de ces entreprises, activant dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, ont déclaré n'avoir pas importé, depuis septembre 2005, des produits industriels concernés par l'application de l'accord avec l'UE, selon l'enquête. En fait, il s'agit d'entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics et non d'entreprises industrielles. L'entrée en vigueur de l'accord, en septembre 2005, ne s'est pas traduite, comme on pourrait s'attendre par une forte augmentation des importations des produits industriels exemptés des droits de douane. Le volume des importations par les entreprises est resté stable pour tous les secteurs d'activité représentés à l'exception du secteur de la chimie et pharmacie où 20% des entreprises déclarent avoir augmenté leurs importations depuis septembre. Quant à l'impact de cette exemption des droits de douane sur les prix à l'importation des produits européens, l'enquête révèle qu'une baisse de ces prix a touché 44% des entreprises tous secteurs confondus. Ce taux est de 100% dans les industries électriques et dans les industries diverses, il est de 60% dans le secteur de la chimie-pharmacie, 50% pour le bois et le papier. En revanche, 67% des entreprises, produisant des matériaux de construction, ont déclaré avoir accusé une hausse des produits qu'elles importent contre 33% des entreprises des industries agroalimentaires et 20% de celles de la chimie-pharmacie. M. R.