Au risque de devenir chauve, Nora Aceval, avait bien voulu raconter, lors de la rencontre de mardi dernier à la librairie Chihab d'Alger, l'un des nombreux contes qu'elle collecte depuis des années. Car, et comme le veut la croyance en vogue à Tiaret, sa région natale, lorsque l'on raconte un conte la journée, les cheveux, un à un, disparaissent. La calvitie guette les conteuses diurnes. Et c'est dans son village qu'elle a trouvé, auprès de sa tante, une source intarissable de ces histoires dans lesquelles les animaux sont doués de raison, et les humains pas toujours futés. Née en 1950 et établie en France depuis 1977, c'est dans le gourbi de cette tante que Nora Aceval enregistrera les contes qui donneront naissance aux ouvrages intitulés La Science des Femmes (contes grivois du Maghreb), paru aux éditions Maisonneuve, Larose, contes du Djebel Amour, chez Seuil Jeunesse, et Contes et traditions d'Algérie, dans la collection Aux origines du monde, des éditions Flies-France. Mais il se trouve qu'à l'occasion de l'un de ses séjours en Algérie, la parente en question avait troqué “son gourbi contre une villa. Mais moi j'aurais voulu qu'elle garde son gourbi”. Voilà donc, la morale de l'histoire, exactement comme dans les contes qui “véhiculent des valeurs”, s'était plu à répéter la conteuse. Une chaumière, faite de paille et de bouse est donc bien mieux indiquée qu'une villa spacieuse et construite en dur. Car il faut bien que le décor soit de circonstance. Pour les uns, un gourbi pour demeurer dans l'oralité ; et pour les autres, médiathèques, bibliothèques et salons du livre… pour accéder au monde civilisé. Mais encore cette précision de la part de l'ex-infirmière, en parlant de ce gourbi qui semble tant lui manquer : “Il y a des poux, des scorpions, on y attrape la gale...” C'est donc en prenant le risque d'attraper bien des maladies, en plus de la calvitie, que Nora Aceval s'est attelée à transcrire et à transmettre les paroles de ses grands-parents. SAMIR BENMALEK