L'intersyndicale, pour sa part, entend bien mener son action jusqu'au bout. La chambre administrative de la cour d'Alger a prononcé, hier après-midi, un jugement en référé, portant illégalité et suspension de la grève de trois jours à laquelle l'intersyndicale de l'éducation nationale a appelé, à compter d'aujourd'hui. Ce verdict a été rendu suite à une plainte de la tutelle, contestant aux syndicats non enregistrés, en l'occurrence le Cnapest (Conseil national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique) et le CLA (Coordination des lycées d'Alger) le droit de grève. La sentence n'est pas inédite. En janvier dernier, le tribunal de la capitale invalidait la première action — un débrayage de deux jours — de la coordination. Mais sa décision n'a pas eu d'effet sur les enseignants qui avaient paralysé une grande partie des établissements scolaires du pays. Cette fois-ci encore, ils affichent une grande détermination et comptent bien mener leur action jusqu'au bout. “Les assemblées générales seront convoquées dès la première heure et leur décision sera sans appel”, observe Redouane Osmane confiant. Outre le CLA et le Cnapest, trois autres formations, le Satef (Syndicat algérien des travailleurs de l'éducation et de la formation), le Sete (Syndicat d'entreprise des travailleurs de l'éducation) de Béjaïa, affilié à l'UGTA ainsi que l'UNPEF (Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation) sont partie prenante de l'intersyndicale mise en place en décembre 2005. Sa plate-forme de revendications en quatre points comprend l'augmentation des salaires, la revalorisation du montant de la pension de retraite, la promulgation du statut particulier des travailleurs du secteur, principalement les enseignants ainsi que la défense des libertés syndicales et du droit de grève. Au chapitre des traitements, le refus exprimé par le chef du gouvernement, il y a quelques semaines, a exacerbé la colère des syndicats. Au cours d'une intervention au Sénat, Ahmed Ouyahia avait exclu une quelconque révision des salaires, considérant qu'il s'agit d'une revendication pressante mais illégitime. Conforté par cette position, le ministre de l'éducation, Boubekeur Benbouzid, martèle depuis, que la question salariale ne figure pas dans ses prérogatives mais est du ressort du gouvernement. Pour décourager l'élan frondeur de ses travailleurs, la tutelle recourt systématiquement à des mesures coercitives telles que les ponctions sur salaire et la suppression des primes de rendement. La sanction judiciaire, pour sa part, inclut outre l'interdiction des grèves, des poursuites pénales contres les animateurs du mouvement de contestation. Jeudi dernier, les responsables du Cnapest, du CLA et de l'UNPEF étaient auditionnés par la police judiciaire de la sûreté d'Alger sur la base de deux récriminations émanant de la tutelle, l'illégalité de l'intersyndicale et l'incitation à la grève. Pour les mis en cause, le recours constant par le département de Benbouzid à la police et aux tribunaux est “une fuite en avant”. Commentant l'arrêt de la chambre administrative, le porte-parole du CLA assure qu'il est “en contradiction avec la constitution et suggère un renversement incroyable des normes du droit”. Pour rappel, l'intersyndicale a déposé un préavis de grève dans les délais au ministère. L'UNPEF est la seule des cinq formations, ayant été conviée à des pourparlers avec la tutelle jeudi. Mais sans résultats. Hier en fin de journée, le département de l'éducation nationale a rendu public un communiqué où il informe que “les directeurs de l'éducation sont tenus d'appliquer les dispositions réglementaires, conformément à la décision de jugement par référé”. Le ministre garde le silence Pour Boubekeur Benbouzid, l'unique sujet d'actualité hier était le séminaire de formation sur la lutte contre l'analphabétisme qui a eu lieu à l'Institut national de formation des personnels de l'éducation à El-Harrach. Interpellé sur la grève des travailleurs de son secteur, il s'est abstenu de tout commentaire. En revanche, la politique d'alphabétisation lui a inspiré de nombreuses remarques. “Les moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions”, admet-il. L'objectif de l'Algérie est de réduire le nombre d'analphabètes de 50% à l'horizon 2015. Les chiffres à la disposition des autorités datent de 2002. Ils révèlent que 29,5% de la population ne savent ni lire ni écrire, dont une majorité de femmes. Selon Mme Aïcha Barki, présidente de l'association d'alphabétisation Iqra, la proportion tend à s'amoindrir. Citant une étude de l'institut de stratégie globale, elle affirme que le taux est de 22%. Ce qui est en soit un chiffre très important. D'où la mise en place d'un programme national d'enseignement des adultes, chapeauté par le ministère de l'éducation. Les formateurs engagés dans le cadre de ce programme sont conviés depuis hier, et ce jusqu'à jeudi prochain à une session de perfectionnement, organisée, en collaboration de l'Unesco, qui a délégué Nour Edadjani, chef de bureau arabe à Alger. Selon elle, l'analphabétisme est encore un fléau endémique dans les pays arabes où l'enseignement est pourtant obligatoire. “Cette obligation n'est pas respectée”, souligne-t-elle. S. L.