Le premier sommet de l'Union africaine (UA) s'est déroulé dans l'indifférence la plus totale. A cela plusieurs raisons. D'abord, le passage à l'union ne peut pas être un simple effet de mode, et encore moins une simple caricature de l'Union européenne (UE), comme l'ont à l'esprit ses dirigeants. Les populations africaines sont au bas de l'affiche dans toutes les statistiques mondiales : violence, pauvreté, santé, scolarité, maltraitance des hommes, enfants et femmes. L'Afrique est le théâtre de toutes sortes de conflits : rivalités ethniques, guerres frontalières et manipulations étrangères. Ce n'est pas une vision apocalyptique. C'est le quotidien dans le continent où une guerre remplace une autre et où faute de combattants, on enrôle des enfants boostés à la cocaïne pour d'horribles expéditions. L'UA, née sur les lambris de l'OUA, a hérité naturellement de tous ses dossiers noirs, dont l'impossible entente entre ses dirigeants. L'africanisme dont ils s'affublent n'est tout compte fait que de la propagande quand ce n'est pas un faire-valoir pour leur propre image. Si certains chefs d'Etat perpétuent le cérémonial de leurs rencontres, c'est surtout pour leur consommation interne. La résurrection de l'OUA n'a été rendue possible que parce que la Libye en a apuré la trésorerie (beaucoup de pays n'honorant plus leurs cotisations). Alors que dire de l'application des résolutions votées studieusement chaque année ? La bonne gouvernance dont les textes de l'UA sont truffés est un vain mot. Comme l'est l'interdiction de tout recours à la force. Les droits de l'homme sont piétinés comme ils ne le sont nulle part ailleurs dans le monde. L'Afrique s'est dotée d'une commission des règlements des conflits, mais guerres et tensions s'enlisent inexorablement. Les quelques rares cas qui ont connu une issue ne l'ont dû qu'à des interférences extra-africaines. N'a-t-il pas fallu des pressions américaines pour qu'Ethiopiens et Erythréens fassent taire leurs armes ? Les exemples de ce genre sont légion et révèlent tout le poids des manipulations dont fait l'objet le continent. Derrière l'exploitation immodérée de concepts nationalistes, il faut voir des intérêts de maintien de pouvoir mais aussi des intérêts découlant de compétitions que se livrent des puissances étrangères pour la reprise en main du continent. En Côte d'Ivoire, le président Gbagbo menace de changer le joker français en incitant ses partisans à crier “Bush, help US”. L'UA, quant à elle, s'est contentée d'exhorter les Ivoiriens à un règlement négocié, alors qu'elle a été partie prenante dans les accords de Marcoussis signés entre Gbagbo et ses opposants. Dans l'esprit de beaucoup de ses membres, l'UA est probablement assimilée à une sorte de syndicat de chefs d'Etat, tout comme le fut en son temps l'OUA. La nouvelle architecture africaine prévoit l'installation d'un Parlement africain, mais, sérieusement, que fera-t-il de plus que l'Union parlementaire africaine (UPA, caisse de résonance des sommets africains) ? Les questions du développement de l'Afrique sont également au stade du discours. D. B.