Pour ce quatrième scrutin multipartite de l'histoire du pays, M.Meles, au pouvoir depuis 19 ans, joue sur son bilan économique: croissance d'environ 10%, inflation maîtrisée et exportations en hausse. Près de 32 millions d'électeurs éthiopiens étaient appelés aux urnes, hier, pour des législatives dont le bon déroulement était déjà contesté à la mi-journée par l'opposition qui a dénoncé des «fraudes», notamment des bourrages d'urnes. Les bureaux de vote ont ouvert normalement dès 06h00 locales (03h00 GMT) dans Addis Abeba et en province. Omniprésent jusque dans le moindre village du pays, le Front révolutionnaire et démocratique des peuples éthiopiens (Eprdf), avec à sa tête le Premier ministre Meles Zenawi, au pouvoir depuis 19 ans, est donné grand favori du scrutin. L'opposition et des défenseurs des droits de l'Homme ont dénoncé un climat général d'intimidation après les violences du précédent scrutin de 2005, et le verrouillage en amont de tout le processus. Selon l'organisation Human Rights Watch (HRW), le parti au pouvoir a multiplié pressions et menaces à l'approche du vote pour diminuer l'influence de l'opposition, museler la presse et la société civile. Pour ces quatrièmes élections multipartites de l'histoire du pays, M.Meles s'était engagé à organiser «un scrutin, libre, juste et transparent». Dès la mi-journée cependant, des responsables de l'opposition ont commencé à dénoncer des fraudes dans l'Oromo, région du centre du pays, théâtre de quelques violences politiques pendant la campagne, ainsi que dans la capitale. «Jusqu'à présent, nos observateurs n'ont pas pu entrer dans 80% des bureaux de vote» autour d'Ambo (120 km à l'ouest d'Addis Abeba), a affirmé Merara Gudina, président de l'Oromo people's congress (OPC), un des huit partis de la coalition de l'opposition (Medrek). «Dans certaines zones, quand nos observateurs sont arrivés, les urnes étaient ouvertes et bourrées», a-t-il assuré, accusant par ailleurs des assesseurs électoraux de certains bureaux d'avoir voté à la place des électeurs. A Addis Abeba, un autre dirigeant de l'opposition, l'ancien président éthiopien Negasso Gidada, a affirmé que «dans beaucoup d'endroits, nos observateurs n'ont pas été autorisés à entrer dans les bureaux de vote». Il a émis «des doutes sur le secret du vote», et a accusé des militants de l'Eprdf «d'accompagner des électeurs» jusque dans l'isoloir pour les influencer. Selon lui, l'Eprdf «est déterminé à rester au pouvoir. (...) Mais une chose est sûre, toute cette fraude s'est faite au vu et au su de millions de témoins». Toujours selon M.Merara, le Bureau national éthiopien des élections (Nebe) dispose depuis quatre jours de la liste des observateurs de l'opposition mais «ils ont été chassés des bureaux de vote, certains sont même encore détenus». Le chef des observateurs de l'Union européenne (UE), Thijs Berman, s'est rendu dans l'un des 1.750 bureaux de vote de la capitale où il n'y avait pas de représentant de l'opposition, a-t-on constaté. «(...) On ne peut rien en conclure pour l'instant, c'est trop tôt», a-t-il simplement commenté. Les observateurs de l'UE, l'Union africaine (UA) et de la société civile sont soumis à un strict «code de conduite» imposé par les autorités. Les 43.000 bureaux de vote des 547 circonscriptions resteront ouverts jusqu'à 18h00 pour départager un total de 6939 candidats issus de 63 partis politiques pour la Chambre des représentants et les conseils locaux. En 2005, des violences avaient ensanglanté la proclamation des résultats du scrutin quand l'opposition - avec le meilleur score de son histoire - et l'UE avaient dénoncé des irrégularités dans le comptage des voix. La répression de manifestations s'était soldée par 200 morts, dont sept policiers, selon un rapport parlementaire.