Le sommet UE-Afrique s'est ouvert, hier, dans la capitale portugaise, Lisbonne, en présence de près de 80 chefs d'Etat et de gouvernement des deux continents. Deuxième dans son genre, après celui qui s'est tenu en 2000 au Caire, en Egypte, le sommet est perçu comme une étape cruciale pour l'élaboration d'un partenariat stratégique entre l'Europe et le continent noir, et ce, au moment où l'Afrique est de plus en plus perçue comme une région aux grands enjeux et suscite la convoitise des autres puissances mondiales telles que les Etats-Unis d'Amérique et la Chine. Pour évacuer de ce sommet toute allusion d'inégalité, le Premier ministre portugais, qui assure également la présidence de l'Union européenne, a déclaré que c'est "un sommet entre égaux qui ouvre quelque chose de nouveau entre l'Europe et l'Afrique ". Le commissaire européen au développement, Louis Michel, a estimé, de son côté, que l'objectif, aujourd'hui, est de consacrer un changement de nature de la relation entre l'Afrique et l'UE, "une relation qui doit devenir politique". L'autre importance de ce sommet se traduit par le fait que les participants auront à débattre de tous les dossiers qui, jusque-là, demeuraient pendants, comme les lancinantes questions relatives à la situation au Darfour, le partenariat économique, les droits de l'homme et la gouvernance. A l'ouverture des travaux du sommet, étaient présents, entre autres, le président en exercice de l'Union africaine (UA), le président ghanéen John Kufuor, le président de la Commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le président égyptien, Hosni Moubarak. Après l'ouverture des travaux, les chefs d'Etats participants se sont lancés dans des séances à huis clos pour débattre des thèmes de la paix et de la sécurité; la démocratie et les droits de l'homme; le commerce et le développement; le changement climatique et l'énergie et, enfin, les questions de l'émigration et de l'emploi. L'Algérie, pour sa part, s'est révélée comme étant un élément incontournable de ce sommet qui se penchera sur le partenariat stratégique entre l'Europe et l'Afrique. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui se trouve dans la capitale portugaise depuis vendredi pour prendre part aux travaux, est, faut-il le noter, l'objet d'une grande attention. En effet, il est utile de noter que l'Algérie est en charge du dossier relatif à la paix et la sécurité et ceci est considéré comme un signe de reconnaissance pour les efforts déployés par notre pays en matière de sécurité et de stabilité dans le continent. Au niveau européen, un grand intérêt est accordé à ce sommet et les analystes ont été nombreux à estimer que cette rencontre de Lisbonne intervient surtout au moment où l'influence croissante de la Chine et le réinvestissement américain sur le continent noir obligent les Européens à revoir collectivement leurs relations avec l'Afrique et placent les Africains, désormais courtisés et non plus seulement demandeurs, dans une position moins défavorable qu'à l'accoutumée. " Véritable enjeu géostratégique, l'Afrique n'est plus la chasse gardée de l'Europe ", a synthétisé une voix officielle à Bruxelles. Pour les Européens, les enjeux liés à la lutte contre le terrorisme et à l'émigration s'ajoutent désormais aux intérêts purement économiques et énergétiques. Il faut dire le président en exercice de l'Union africain, le Ghanéen John Kufuor, veut placer sous le signe du "respect et de la solidarité" ce partenariat stratégique, "cadre de la coopération future" euro-africaine "tout à fait opportun, historique pour un changement". Il a déploré la "lenteur" des progrès de la coopération UE-Afrique et appelé à faire "autrement cette fois-ci", car ces relations de coopération "peuvent être différentes, meilleures". En outre, les dirigeants africains se gardent de donner l'impression d'attendre une assistance européenne, mais, selon le président Kufuor, l'Afrique est une nouvelle frontière de l'économie mondiale qu'il faut savoir "explorer". Il est attendu de l'Europe qu'elle apporte ses grandes compétences technologiques et techniques et des ressources en capital. Le président Hosni Moubarak, dont le pays a abrité le premier sommet en 2000, ainsi que les conférences ministérielles préparatoires de ce sommet, a lui aussi plaidé pour un partenariat qui "soutient l'Afrique, ses intérêts et ses causes". Les points inscrits à l'ordre du jour, comme les droits de l'homme, la paix et sécurité, la protection de l'environnement comme les migrations illégales, sont évoqués. Les droits humains, a argué le président égyptien, "ne sont pas séparables du développement et de la persistance de la pauvreté". Or, l'Afrique est le continent qui compte parmi les moins développés, où persistent des conflits armés, les pandémies, des flux de réfugiés et de déplacés, le poids de la dette extérieure, la faiblesse des exportations et des infrastructures, a-t-il ajouté. Aussi, ce partenariat doit-il s'attaquer à ces défis simultanément, promouvoir la paix et la lutte contre le terrorisme et continuer à soutenir les efforts de l'Union africaine pour prévenir et préserver la paix ? Le président Moubarak a également appuyé l'idée de renforcer ce partenariat et son mode opératoire, les plans d'actions triennaux, par la mise en place d'un mécanisme commun pour suivre les avancements et la mise en œuvre de cette stratégie. Le président de la commission de l'UA, M. Omar Konaré, a déclaré qu'il ne s'agit pas pour l'Afrique de "mimer les autres" mais d'agir "selon ses cultures, son histoire et à sa manière". L'Afrique entend elle-même élaborer son propre agenda, assurer son développement d'abord sur "des bases endogènes" et non, a-t-il soutenu, "dans des logiques de rattrapage qui ne nous permettront jamais de satisfaire les besoins de nos populations". M. Konaré a estimé que ce sommet n'aurait pu se tenir sans l'"esprit de compromis et de détermination" fondés sur les principes reconnus que sont "le respect mutuel, l'acceptation de nos différences", ainsi que celui de la démocratie basé sur le pluralisme et le respect des oppositions et des minorités". Pour le président de la Commission africaine, "les échanges commerciaux n'ont de sens que quand il y a réciprocité et qu'ils conduisent à un véritable développement". L'évaluation actuelle des accords antérieurs ne plaide, selon lui, "ni pour l'accélération" de cette coopération "ni pour un rythme à plusieurs temps".