Le Parlement algérien réunira, ces jours-ci, les membres de ses deux chambres pour adopter, avant le 2 juillet (date de la clôture de la session de printemps), une résolution dans laquelle il répondra au Parlement français qui a voté, le 23 février 2005, une loi portant « reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Cette loi, contestée telle qu'approuvée, évoque, d'un ton honorifique et glorifiant du fait colonial, « le rôle positif de la présence française outre-mer ». Dans son article 4, il est stipulé que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ». Ainsi, les parlementaires algériens promettent une riposte tonitruante. Une correction pour les auteurs de cette loi. Ils veulent, d'ailleurs, lui donner un cachet plus élevé en tentant, depuis hier, de prendre attache avec le Palais d'El Mouradia pour convaincre le Président Bouteflika d'user de ses prérogatives constitutionnelles et convoquer un congrès du Parlement qui débouchera sur l'adoption de cette résolution. Les bureaux des deux chambres parlementaires lanceront, dans le cas de l'échec de cette première démarche, une pétition en vue de réunir les signatures de deux tiers de leurs membres afin d'approuver au plus vite cette résolution. Certains députés ont même avancé la date du 22 juin pour son adoption. Le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Amar Saïdani, a déclaré, hier à la presse, qu'il est en phase de concertation avec le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, à ce sujet. Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, a condamné cette loi, le 2 juin 2005, et promis de riposter à la France coloniale à travers le Parlement. La sortie de Belkhadem est venue quelques jours après l'assimilation des fours à chaux de Guelma aux fours crématoires nazis, faite par le Président Bouteflika en Amérique latine. Les propos du président de la République ont suscité un tollé dans les milieux politiques français, même si des historiens les ont bel et bien appuyés par des témoignages et des faits. Les trois partis de l'Alliance présidentielle, à savoir le RND, le FLN et le MSP, ont adopté, lors de leur dernière rencontre, le 6 juin courant, une déclaration commune dans laquelle ils ont vivement dénoncé et condamné cette loi. Précision : cette dernière n'a suscité jusqu'à présent aucune réaction officielle du côté algérien. En revanche, des historiens et des intellectuels, que ce soit en France ou ailleurs, ont qualifié l'article 4 de cette loi de « scandaleux et contraire à la tradition laïque et à la liberté de pensée ». Ils ont, en effet, demandé, dans une pétition lancée le 29 mai (bien avant les réactions d'Algériens), « le retrait en urgence de cette loi ». Pour eux, elle n'est qu'une contribution on ne peut plus claire pour dissimuler un « mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois jusqu'au génocide, sur l'esclavage, sur le racisme hérité de ce passé ». Ils ne doutent pas aussi qu'une telle disposition juridique est une manière de « légaliser un communautarisme nationaliste ». Cette loi risque ainsi de compromettre le traité d'amitié qui se prépare entre les deux pays et qui devrait être signé avant la fin de l'année en cours, comme convenu entre les deux chefs d'Etat. Il est établi que les Algériens, 43 ans après l'Indépendance, vivent encore avec des réminiscences colonialistes. Il est difficile, aussi, d'oublier les crimes abominables et les génocides commis, notamment le 8 mai 1945 par les colons. A titre illustratif, ce qui s'est passé dernièrement entre la Chine et le Japon, suite à l'occultation de l'Etat japonais, dans le contenu des manuels scolaires, des massacres en Mandchourie (riche province chinoise de Heilongjiang partagée en 1905 entre l'armée de l'ex-URSS et le Japon). Cela a ravivé le vieux contentieux existant entre les deux pays voisins.