Riche bilan que celui dressé par le président de la République. Bilan essentiellement financier, au demeurant. Car économiquement, il n'y avait pas grand-chose à présenter. En cinq ans, l'Algérie a investi pour 3 000 milliards de dinars, c'est-à-dire l'équivalent de la recette pétrolière de l'année 2005. En termes d'infrastructures, les réalisations sont encore moins imposantes. Hormis les 950 000 logements et la réception de dix-neuf barrages, il n'a pas indiqué de réalisations notables. En particulier, les grands projets, entamés ou relancés depuis 1999, sont toujours en souffrance avec des délais de livraison incertains : métro et aérogare d'Alger, autoroute Est-Ouest… Lui-même précisait que ce sont “l'augmentation des prix des hydrocarbures et, coopérativisme, la croissance de la fiscalité pétrolière (qui) expliquent les performances particulières des finances publiques”. Les chiffres cachent bien la réalité. Sans le pétrole et le gaz, et avec un PIB per capita de 1 700 (bien moins que le Lesotho et la moitié du PIB per capita tunisien) dollars au lieu des 5 100 dollars pour lesquels nous n'avons aucun mérite, nous serions donc un pays pauvre. Sans pétrole ni gaz, nous n'aurions pas de quoi faire un budget d'investissement, et nous ne pourrions assurer que 40% du budget de fonctionnement ! Avec nos exportations hors hydrocarbures, nous ne pourrions importer que le vingtième de ce que nous importons aujourd'hui. En un mot, nous consommons pour deux tiers de ce que nous absorbons de la matière première de la nature. Comme de vrais parasites. Les entreprises publiques, au lieu de produire, dévorent et endettent l'Etat pour colmater leur déficit : la dette interne est de 1 000 milliards de dinars et doit augmenter de 20%. En plus de couvrir par la rente cet état de sous-développement chronique, quelle solution comptons-nous y apporter ? Une chose est sûre : l'Etat se propose de débourser toujours plus. Cinquante, cinquante-cinq, soixante et finalement quatre-vingts milliards de dollars pour un “programme de soutien à la relance économique”. Difficile de savoir quelles actions concrètes recouvrent ce budget en perpétuelle inflation : l'Algérie est en train d'inventer une espèce de doctrine du développement par la dépense. La panne actuelle est patente. Et notre rente n'est pas viagère. Nonobstant la part de corruption et de détournements qui ne manquera pas de la gruger, il n'est pas sûr que la manne pétrolière soit éternelle. Les pays émergeant seuls, comme l'Inde ou la Chine, continueront probablement à voir croître leur consommation d'hydrocarbures. Mais, dans les pays avancés, la demande commencera bientôt à décliner. Ainsi, les Etats s'engagent dans une stratégie de réduction des importations et la Suède a prévu de ne plus utiliser le pétrole en 2020… Dans quatorze ans. Si nous persistons dans notre attitude actuelle, on se réveillera, dans une ou deux décennies, avec plus de brutalité qu'en 1986. Nous découvrirons alors, nos enfants découvriront, que l'Algérie de leurs parents aura fait dans l'autophagie. M. H.